Les présidences mains liées face aux brèches du règlement intérieur et de la loi La lutte contre l'absentéisme des parlementaires a beau figurer en tête des priorités, rien n'y fait. Les absences prolongées durant des mois et des années pour certains cas continuent d'être monnaie courante. Il faut dire que l'absence des parlementaires est loin d'être une affaire à régler en interne par l'institution législative en raison de l'impact politique et institutionnel très lourd généré par ce phénomène. Plusieurs fois des budgets sectoriels ont failli tomber en raison de l'absence de nombreux parlementaires au cours des débats en commissions. Mais la vraie problématique concerne l'image du Parlement auprès du large public. Ce qui pousse aujourd'hui les responsables à commencer par les présidences des deux Chambres parlementaires à vouloir aller de l'avant dans la lutte contre le phénomène d'absentéisme. Les dispositions prises actuellement ont, certes, permis de limiter les absences mais les taux restent élevés. Il faut préciser que l'administration parlementaire fait une différence entre deux grandes catégories d'absence. D'un côté, les absences dites justifiées et de l'autre les absences injustifiées. Selon le président de la Chambre des représentants, Habib El Malki, qui s'était exprimé au sujet du système mis en place depuis son élection comme président de la première Chambre, en vue de réduire le taux d'absentéisme des députés, le taux d'absences injustifiées durant cette première session de l'année législative 2019-2020 a été de 1%, tandis que le taux d'absences justifiées à été de 25%. Vu sous cet angle, les absences injustifiées paraissent minimes, voire insignifiantes mais une question se pose concernant la définition des absences justifiées. Des observateurs pensent que le règlement intérieur ne fixe pas de garde-fou, notamment en ce qui concerne l'utilisation à outrance des certificats médicaux pour justifier les absences répétées ou prolongées. Concrètement, la lutte contre l'absentéisme puise ses fondements dans l'article 105 du règlement intérieur de la Chambre des représentants. Ce dernier stipule que «les membres des commissions parlementaires permanentes sont obligés d'assister aux réunions et de participer aux travaux. Dans cette optique, chaque membre doit veiller à prendre part aux réunions des commissions dont il est membre et de participer activement aux travaux. Aucun membre ne doit s'absenter sauf pour une raison valable, à savoir : la participation à une activité officielle dans sa circonscription électorale; la participation à une activité parlementaire officielle au Maroc ou à l'étranger; arrêt maladie pour un membre, congé de maternité pour une parlementaire et enfin la participation aux sessions des conseils communaux, territoriaux ou bien des Chambres professionnelles». Le même article impose aux personnes concernées de communiquer par écrit à la présidence de la commission le motif de l'absence directement ou à travers le président du groupe ou du groupement parlementaire. Par la suite, les noms des membres présents et des absents sont consignés dans le PV de la séance au démarrage des travaux. Les sanctions prévues par le règlement intérieur sont notamment la lecture des noms des parlementaires absents au début de chaque réunion et la publication de leurs noms au Bulletin officiel du Parlement. L'article 106 du règlement intérieur prévoit, en outre, des ponctions sur les salaires des députés. Il dispose en effet qu'il est procédé à des retenues sur les indemnités octroyées aux parlementaires en comptabilisant les journées d'absence injustifiée. Pour Habib El Malki, «la stricte application du règlement interne de la Chambre des représentants a eu un impact sur le niveau d'absence de députés de la nation». Cependant, la même source n'a pas manqué d'annoncer que le Bureau de la première Chambre est «décidé à aller plus loin dans le processus de traitement des effets juridiques d'une absence injustifiée à une session parlementaire». Plus concrètement, El Malki a expliqué que des chantiers de réforme ont été ouverts en vue d'amender la loi organique et les statuts du Parlement. «Il faut resserrer le suivi sur la question des absences afin de préserver l'image de l'institution», avait-il fait savoir. Ce chantier doit remédier à l'impuissance des responsables face aux absents «endurcis». Il faut dire que l'expulsion des députés fantômes ne relève pas des prérogatives du Parlement qui doit s'en remettre à la Cour constitutionnelle. Or, aucun texte de loi ou disposition juridique ne prévoit clairement la déchéance automatique d'un parlementaire de son mandat de députation pour absence répétée ou prolongée. Les seuls cas prévus par les lois ont un rapport avec l'incompatibilité du mandat parlementaire avec d'autres fonctions officielles ou bien le décès du concerné. Toutefois, le processus de révocation des élus relève exclusivement de la Cour constitutionnelle. Les responsables du Parlement veulent aujourd'hui verrouiller la procédure et colmater certaines brèches. Même si les statistiques sur le nombre des certificats médicaux déposés par les parlementaires pour justifier les absences sont tenues secrètes, il semble que ce recours commence à faire jaser. Dans ce sens, un dispositif sera probablement mis en place au niveau des deux Chambres parlementaires pour instaurer des contre-visites systématiques à partir d'un certain seuil de certificats par session parlementaire. Un cabinet indépendant sera ainsi chargé de vérifier la véracité des données fournies. Il n'existe, cependant, aucun calendrier concernant le démarrage de ce dispositif qui risque d'ailleurs de provoquer une tension entre certaines forces politiques et les présidences des deux Chambres parlementaires. Quoi qu'il en soit, il semble que les responsables soient décidés à mieux lutter contre l'absentéisme au Parlement même si les résultats des premières actions menées sont pour le moment encore mitigés…