Les enfants d'Abraham ne sont pas tous des sionistes. Une évidence confirmée par les positions de bon nombre de Juifs marocains épris de justice et de liberté et fortement attaché à leur patrie, le Maroc. Feu Hassan II se prévalait de « posséder » à l'intérieur même de l'Etat d'Israël un outil politique qui lui permettait d'avoir de l'influence sur les choix politiques des Israéliens. Il voulait parler du poids électoral des Juifs du Maroc, qui dans l'ensemble, ont gardé avec le pays d'origine des liens affectifs et ont pour la monarchie alaouite une considération toute particulière. En souscrivant très tôt au choix stratégique en faveur de la paix entre «les enfants d'Abraham» et en jouant au sein du monde arabe la carte de la modération, Hassan II s'était forgé une image de «Roi juste», et du coup représentait aux yeux des Israéliens originaires du Maroc une source de fierté. Ce potentiel, la diplomatie moyenne-orientale du Royaume le renforça par la création en 1985 du Rassemblement Mondial du Judaïsme marocain, un organisme qui regroupe les associations représentatives des Juifs marocains ou originaires du Maroc. Au sein de cet organe, les Juifs citoyens marocains résidants au Royaume constituent une fraction majoritaire et en contrôlent les activités et les mouvements. Une publication du Conseil des communautés israélites du Maroc (fondé en 1918) définit l'action du rassemblement Mondial, outre le maintien et le renforcement de la mémoire juive au Maroc, «à favoriser la coexistence judéo-arabe, afin de contribuer à l'aboutissement d'une paix juste et durable au Moyen-Orient». André Azoulay, le président des fondateurs du Rassemblement disait en 1994 (à un moment où tout allait pour le mieux) au sujet de l'action des Juifs marocains en faveur de la paix au Moyen-Orient «C'est notre fierté, notre fierté de Juifs marocains que d'avoir su prendre notre part modeste, discrète, mais toujours utile, à tous les efforts qui ont favorisé le processus de paix, de rapprochement, de dialogue». Il va de soi que les initiatives du Rassemblement sont inspirées et soigneusement orchestrées par «les architectes» de la diplomatie marocaine. En outre, le Conseil des communautés israélites du Maroc, l'organe qui veille à la coordination entre les communautés, ne cesse toutes les fois qu'il lui semble utile de le faire, de rappeler qu'en tant que citoyens loyaux, les Juifs du Maroc sont respectueux des choix nationaux et s'imposent une conduite qui fait d'eux des «porteurs d'un message de tolérance, ils se sentent investis d'une mission de paix et de dialogue pour hâter l'avènement de la réconciliation des enfants d'Abraham, séparés par un conflit contre nature». En effet, les ténors des communautés expriment leur désarroi et leur tristesse face aux évènements graves et dramatiques qui secouent la Terre sainte. Pour eux, il s'agit d'un véritable drame humain qui n'a de solution autre que l'application des résolutions onusiennes et des accords bilatéraux qui garantissent aux Palestiniens leurs pleins droits. Une solution équitable du conflit israélo-arabe serait pour eux une preuve supplémentaire de la possibilité de la fructification de l'entente entre Arabes et Juifs, une entente qui selon les dires de feu Hassan II serait d'un grand bénéfice pour les Arabes, pour les Juifs, et pour l'humanité entière. • Mohammed Hatimi