La Omra n'attire pas seulement des personnes pieuses, mais également des prostituées. Deux d'entre elles disent tout des réseaux très organisés qui acheminent, chaque année, de la chair fraîche aux Saoudiens. “Certains vont à l'Omra en pèlerinage et d'autres pour faire l'objet d'un pèlerinage“, c'est en ces termes grivois que deux anciennes “repenties“ parlent d'une pratique très courante. Faire la Omra non pas pour visiter la Mècque, mais pour profiter de la générosité de certains Saoudiens, “très friands des Marocaines“. Jamila et Hasna balaient d'un revers de main les bruits répandus sur certaines jeunes femmes qui cèdent là-bas à la tentation des frôlements suspects. Aux clins d'œil appuyés. À l'exhibition des portefeuilles garnis. Ceux qui pensent que le tissu dont se drapent les femmes pour le pèlerinage, devient vite un accessoire fortement érotisé, se trompent. Le réseau des Marocaines qui, sous prétexte de faire Al Omra, se prostituent en Arabie Saoudite, opère loin des villes saintes de ce pays. “Tous nos clients vivent à proximité de Riad qui ressemble à Casa“, explique Hasna. “Nous n'avons jamais mis les pieds à Médine ou à la Mècque“, renchérit Jamila. Le voyage se prépare au Maroc “dans la plus grande discrétion“. Les billets d'avion sont payés d'avance. Une femme, habillée selon la mode des Saoudiennes, c'est-à-dire enveloppée dans du tissu du bout des pieds jusqu'aux cheveux, attend à l'aéroport les jeunes promises à l'appétit des Saoudiens. “Elle est Marocaine“. Elle les conduit dans sa maison et leur explique qu'il ne faut pas révéler le moindre bout de leurs corps dans la rue. “Nous nous confondons vite avec les femmes du pays. Il est impossible de voir à quoi nous ressemblons, puisqu'il n'y a guère que nos yeux qui ne sont pas cachés“, explique Jamila. La “Mouhtajiba“ qui les a accueillies à l'aéroport les conduit ensuite dans des maisons isolées. “C'est là que tout se passe. Nous découvrons une autre Arabie Saoudite où les hommes mangent du méchoui, alors que d'autres louent, dehors, les vertus du jeûne“. Elles sont payées en dollars. Combien? Les deux “repenties“ ne veulent pas avancer de chiffre. “Ça dépend, mais jamais moins de 300 dollars“. Jamila et Hasna ajoutent qu'elles ont fait connaissance avec l'un de leurs clients à Casablanca. “Comme ses affaires ne lui permettent pas de venir régulièrement au Maroc, il nous a demandé de venir jusqu'à lui“. A Riad, les deux jeunes filles sont présentées aux amis de leur ancien client de Casablanca, qui porte visiblement une deuxième casquette : le proxénétisme. Jamila et Hasna louent la conduite des Saoudiens dans leur pays. “Ils sont très discrets, et paient rubis sur ongle, parce qu'ils craignent le scandale“. Avec la nouvelle procédure qui nécessite désormais de toute jeune Marocaine se rendant pour Al Omra d'avoir un “rafik“ (compagnon), les prostituées ont dû redoubler d'inventivité. “Nous nous sommes repenties depuis, mais je connais des filles qui partent là-bas en compagnie d'un proche parent“, dit Jamila. “Oui l'une d'elles a convaincu son frère, qui travaille dans une banque, de l'accompagner pour Al Omra“. Hasna enchaîne ensuite par un discours moralisant sur l'inanité de la prostitution. “Seul le sérieux paie !“. Quant à Jamila, elle défend la réputation des femmes marocaines, expliquant que les hommes se rendent également là-bas pour se prostituer. “J'en connais un, Jawad. Il est très mignon dans sa djellaba et sa taqia blanches“.