Suite à notre dossier n°860 du lundi 21 mars consacré aux retards répétitifs des trains marocains sur certains trajets, un ancien cadre de l'ONCF livre ici son point de vue. Par ses déclarations au quotidien «Aujourd'hui Le Maroc», le directeur général de l'ONCF impute le retard des trains aux seuls travaux d'entretien de la caténaire. Il ajoute que «les retards étaient prévisibles». Qu'on désheure officiellement la marche des trains avec des avis à la clientèle, et dans les délais, pardi, en gares et dans la presse, c'est une chose tout à fait normale, mais on ne doit pas parler dans ce cas de retard. Mais la vérité est tout autre. Les causes sont davantage structurelles plutôt que conjoncturelles. Et elles sont multiples. Ainsi, en ce qui concerne les lignes caténaires, réalisées et entretenues auparavant par des équipes spécialisées de l'ONCF, elles ont été confiées au privé, (conformément d'ailleurs aux injonctions de la Banque mondiale), dont le seul souci est celui de maximiser les profits, aux dépens de la qualité du travail, de la main-d'œuvre et des salaires, des équipements adéquats, du savoir-faire et du respect des délais et des intervalles accordées. Il en résulte des incidents caténaires et des réditions tardives de la voie, causant des retards. Cependant, les retards ne concernent pas uniquement, le tronçon entre Casablanca et Rabat, ils touchent l'ensemble du réseau ferroviaire national. Ils n'ont pas uniquement pour causes, les lignes électriques, mais, aussi les multiples disfonctionnements du matériel roulant, remorqué, et celui des travaux, et de la signalisation. Les exemples sont multiples. Par rapport aux années précadentes, les incidents du freinage des trains marchandises ont connu une augmentation de 40%. Le nombre d'incidents du matériel moteurs s'est accru de 50%. Celui des sorties tardives de locomotives s'est aggravé de 300%. Ces incidents surviennent toujours en pleine voie et les demandes de secours sont fréquentes. Il faut ajouter à ces incidents les divers déraillements sur voies principales et voies de service, les ruptures d'attelage sur voies principales que ce soit pour les trains voyageurs ou marchandises, les ruptures innombrables des lignes caténaires (67 incidents en 2000, 211 Km de ligne ont été révisés). Et les retards journaliers innombrables et endémiques au départ des trains, perturbant la vie normale des usagers du rail. En ce qui concerne la fréqquence géographique des incidents, je donnerai les exemples suivants parmi un nombre important. Hier, un TNR a demandé le secours sur la ligne Casablanca-Kénitra. Ce qui suppose des retards importants. Sur le ligne de l'Oriental, entre oued Amlil et Taza, un engin des travaux de la voie s'est immobilisé et a causé, un retard de 6h au train Casa-Oujda, 2h au train Tanger-Oujda, au train 41, 45mn, au train AM 2h15, au train 242, 2h20mn. Sur cette même ligne et sur celle de Marrakech, de nombreuses fois, les machines demandent des secours, et la machine envoyée, tombe elle aussi en panne. Imaginons le scénario et le désaroi des voyageurs. Certains trains ont connu des retards de 4h à 6h. Le 17/03/05, une rupture d'attelage d'un wagon entre Bouznika et Mansourai, a donné 60mn de retard au train 206. Le 02/01/05, le train 62 (Marrakech-Casablanca), lors d'un changement de croisement avec le train voyageurs TM, en retard (comme toujours, les retards deviennent endémiques), ne s'est arrêté qu'après avoir dépassé la plaque TT de 7 voitures, soit 200 mètres environ. En gare d'Imfout, ce même train, reçu signal fermé, ne s'est arrêté qu'après dépassement de l'aiguille d'entrée, d'environ 10 mètres engageant ainsi le gabarit. Le 29/01/05, la locomotive E1310, a dépassé d'une vingtaine de mètres le carré d'arrêt 220 fermé, protégeant l'aiguille de la bifurcation Pont Route de Rabat, sur le triangle de Casablanca, alors que l'itinéraire était déjà tracé pour le passage du TNR 132 (Aouita) qui engageait déjà le canton Aïn Sebaâ-Casa port. Dieu nous a préservé d'une catastrophe certaine. Dans la nuit du 04 au 05/02/05, le train 263 (Casa-Marrakech), ayant un arrêt normal, en gare de Sidi Abdallah, pour croiser le train 264, ne s'est arrêté qu'après avoir angagé l'aiguille de sortie de 15 mètres, en gageant ainsi le gabarit. Le train croiseur n'a été arrêté que par coupure de courant. Dieu nous a préservé d'une catastrophe certaine. Ces incidents démontrent l'état catastrophique du matériel, et les conditions inadapàtées du travail. Les services intéressés de l'ONCF, malgré la gravité de la situation, se limitent, et se cantonnent, malheureusement, et uniquement, à l'envoi aux agents accompagnateurs, des notes stéréotypées, relatant les faits et les disfonctionnements constatés, demandant (je cite), «encore uen fois de faire preuve, de vigilance et de veiller à l'application stricte des prescriptions réglementaires en vigueur…». Sans pour autant chercher en profondeur et d'une façon sérieuse et objective, les véritables causes de ces dysfonctionnements. L'ONCF, impute des fois, les retards des trains aux vols de câbles de signalisation et diverses causes plus ou moins en rapport avec. C'est là une fuite en avant des dirigeants de l'ONCF devant leurs responsabilités : car le vandalisme ne saurait à lui seul justifier les retards importants et endémiques que connaissent journellement les trains, et qui discréditent l'ONCF aux yeux de nombreux publics et de l'administration elle-même, à tel point qu'un train qui arrive à l'heure constitue actuellement un événement. Que l'ONCF reconnaisse que le problème en question est surtout structurel! Nous avons largement écrit à ce sujet. En résumé, les causes résident dans ce qui suit : - Le nombre de locomotives a diminué sévèrement, ainsi que celui des voitures voyageurs et des wagons marchandises. Le reste du matériel subit une rotation folle, inhabituelle entraînant une dégradation rapide et des incidents en plein parcours. - Le taux des immobilisations des machines a augmenté considérablement par manque de pièces détachées, causé par une politique insensée et sauvage du stock et par le départ prématuré à la retraite des ouvriers qualifiés. Il en résulte donc, des sorties tardives de machines et des incidents moteurs en cours de route obligeant des demandes de secours fréquentes, sources de retard important et de suppressions de trains. - Le ballottement incessant, perpétuel et répétitif dans des temps extrêmement courts, des agentsd'encadrement et des directeurs centraux, passant de l'exploitation aux directions purement techniques, et ce au nom de la polyvalence alors qu'ils n'aient absolument pas les qualifications nécessaires pour cela est un facteur de dysfonctionnement préjudiciable à la bonne maintenance se repercutant sur la régularité des circulations. - Les tâches hautement spécialisées, autrefois accomplies par les équipes qualifiées de l'ONCF sont confiées actuellement au privé dont le seul but du gain aux dépens de la qualité. Ce qui entraîne de nombreux incidents moteurs en plein parcours. L'utilisation des navettes ZM à limite d'usure et de sécurité a provoqué à 2 reprises des délestages de leur moteur occasionnant des demandes de secours pour remorquage. Toutes ces données contribuent donc au retard des trains et salissent l'image de marque de l'ONCF. Bien davantage la méthode de gestion de la direction générale, sstresse l'ensemble du personnel, et en particulier celui de la sécurité, au point qu'il néglige la vigilance et met en danger des vies humaines et cause de sretards importants (l'incident meurtrier de la région d'Elksar Kébir et de Temara par exemple, la non observation des signaux suite à un roulement fou du personnel et des conditions lamentables du séjour des accompagnateurs dans les dortoirs dépourvus de tout confort). Cette méthode est aggravée par l'atmosphère malsaine et tendue causée par une politique dégradante et humiliante du personnel, qui nuit considérablement à la régularité des circulations et à la sécurité, dont les marges ont été d'ailleurs largement réduites. A quand donc une grosse pointure à l'ONCF ? • Mostafa Mouhoub cadre retraité