Il est impératif de permettre à la jeunesse d'émerger, de s'exprimer, de trouver sa place dans la société, tout en apprenant l'autonomie, la responsabilité. De passer d'un statut de spectateur à un statut d'acteur – pas seulement partenaire mais décideur. Je voudrais ici vous donner un résumé de mon intervention à l'Unesco, lors de la Conférence sur la Paix, organisée la semaine dernière. Puissiez-vous vous y retrouver… Le Maroc résiste du mieux qu'il peut – et plutôt mieux que bien d'autres pays – à cette tentation du rejet de l'Autre, de la haine, du racisme. Grâce à deux atouts : la volonté de SM le Roi, et croyez-moi cette volonté est pour nous sur le terrain le meilleur des atouts. Qui à la fois nous incite à mettre nos pas dans les siens et quelque part nous «protège» aussi. Notre Souverain veille avec un soin tout particulier -en tant notamment que Amir Al Mouminine- à ce que les 3 religions du Livre vivent en harmonie sur le sol du Royaume. Dernier exemple en date : la visite qu'a effectuée le Pape François au mois de mars dernier au Maroc à l'invitation du Souverain, ce qui nous a donné les coudées franches à nous – sur le terrain- pour organiser en avril notre action «Plantons la Fraternité», où à Casablanca, à Fès, à Marrakech, à Rabat, à Oujda, à Essaouira…/… de jeunes Marocains musulmans sont allés planter un olivier devant une mosquée, une église, une synagogue… Notre 2ème atout réside dans notre histoire : des siècles de diversité, de métissage, de vivre-ensemble, une tradition et des valeurs qui se sont perpétuées -envers et contre tout- et donc un «fond» qui demeure «enfoui dans nos gènes» et qui résiste. Cette diversité, cette richesse est inscrite d'ailleurs dans le préambule de notre Constitution. Deux exemples viennent illustrer cette diversité qui constitue un patrimoine, que je qualifierais de patrimoine d'avenir : le voisinage des familles musulmanes et familles juives : fêtes célébrées ensemble, tradition culinaire, le «sein donné» indifféremment par les mamans juives et musulmanes ; et l'amour : ces innombrables mariages mixtes de Marocains ayant épousé des Chrétiennes et aujourd'hui de Marocaines épousant des non-Marocains – d'autant plus qu'aujourd'hui une Marocaine peut transmettre la nationalité à ses enfants. Ainsi ce patrimoine nous permet de résister aux dégâts du populisme, de la xénophobie, du racisme, de la haine même si nous devons être très vigilants vis-à-vis de deux dangers qui guettent ce patrimoine : le considérer comme un patrimoine de nostalgie ou encore croire qu'il est acquis pour l'éternité. Non il nous faut le faire vivre au quotidien, l'enrichir, le compléter, le protéger et sans cesse le renouveler. Il y a une chose dont je suis convaincu aujourd'hui, quelque chose que j'ai appris sur le terrain, c'est bien que la paix se fera et se gagnera par, pour et avec les jeunes. Nous sommes tous une génération de «quelque chose», la génération actuelle est de toute évidence celle du Web, avec toutes les implications qui en découlent. Les jeunes d'aujourd'hui ne connaissent plus de frontières, d'un clic ils sont reliés au monde, comme dans toute nouvelle technologie il peut hélas y avoir un côté obscur : or avec le Web ce côté obscur est démultiplié, des semeurs de haine ne se servent-ils pas -avec une redoutable efficacité- des nouvelles technologies pour «bourrer des crânes», enseigner et diffuser la violence, propager le rejet de l'Autre, recruter de jeunes victimes, qui à leur tour feront des victimes ? En utilisant les claviers d'ordinateurs ils arment des bras. Le défi qui se pose à nous adultes d'aujourd'hui est bel et bien celui de ce que nous parviendrons à transmettre – en termes de valeurs- à ces jeunes, qu'hélas nous avons bien trop souvent laissé livrés à eux-mêmes. Le risque est grand de nous voir passer à côté des jeunes générations et donc d'hypothéquer l'avenir. Vivant repliés sur eux-mêmes dans des quartiers d'exclusion, repliés sur une pseudo identité fabriquée de bric et de broc et enfermés entre eux dans des réseaux sociaux qui ont de moins en moins tendance à être «sociaux». Je pourrais résumer par quelques mots les défis à relever pour contribuer à la paix : la spiritualité, la culture, le vivre-ensemble. Il est impératif de permettre à la jeunesse d'émerger, de s'exprimer, de trouver sa place dans la société, tout en apprenant l'autonomie, la responsabilité. De passer d'un statut de spectateur à un statut d'acteur – pas seulement partenaire mais décideur. Tout comme il est primordial de redonner du sens au vivre-ensemble : la disparition de la mixité sociale, l'exode rural, le fossé entre les générations, le risque de ghettoïsation urbaine et la méconnaissance entre les différentes communautés religieuses… nous mènent au risque de voir notre vivre-ensemble sombrer. Il ne peut y avoir de vivre-ensemble si la jeunesse ne se l'approprie pas, si elle est cantonnée à la marge et il ne peut y avoir de jeunesse épanouie -et donc ouverte sur autrui, sur les autres cultures – si elle vit repliée sur elle-même, sur une identité tronquée, sur le sentiment que tout ce qui est différent, tout ce qui lui est étranger, est un ennemi. Je suis persuadé que la meilleure parade contre la haine, contre le rejet, le meilleur outil contre le repli, le meilleur instrument d'ouverture sur autrui, de connaissance de l'Autre, est la culture. Face à la fascination de la mort que veulent distiller les semeurs de haine il nous faut faire de la culture le moyen d'avoir envie de vivre. Le terrain est le lieu où nous devons agir, c'est là que ça se passe ! Même si aujourd'hui il faut le marier à la Toile, au Web, aux réseaux sociaux ! Je terminerais par un vœu : ne laissons pas notre jeunesse aux mains des semeurs de désespoir, de haine, ne laissons pas notre jeunesse face à l'exclusion, la marginalisation sur le terrain et le venin distillé sur Internet, soyons offensifs, donnons des perspectives à nos jeunes, fabriquons du concret, de l'espoir, de la fraternité… Et ré-insufflons de la spiritualité pour (re)donner du sens à la vie.