Entretien avec Mehdi Alaoui, président de la commission numérique à la CGEM, vice-président de l'APEBI en charge du pôle start-up et fondateur de La Factory ALM: La révolution digitale commence à se faire sentir au niveau national. Quelle lecture faites-vous de la transformation amorcée dans ce sens ? Mehdi Alaoui : Nous vivons dans un monde qui évolue rapidement. Nous avons des problématiques sociales très importantes. Le digital est le seul moyen pour les régler, parce qu'il apporte de la transparence, de la justice et de l'efficacité. Jusqu'à aujourd'hui le Maroc a mis en place des lois ayant découlé vers des process. Pour implémenter ces process nous avons utilisé de la technologie, mais en revanche nous n'avons jamais placé le citoyen au cœur de ce dispositif. En principe, quand on digitalise on apporte un service à une personne. Il est inadmissible qu'en 2020 on demande toujours au citoyen de passer par plusieurs administrations pour retirer un papier. Il est temps de mettre ce citoyen au cœur de la technologie pour lui rendre la vie plus paisible. Selon vous qu'est-ce qui entrave cette transition ? C'est surtout au niveau des modèles de pensée. Nous observons un blocage fondamental dans la façon avec laquelle tout le monde pense. Il est aujourd'hui primordial de prendre ce sujet extrêmement au sérieux et de se donner une période de deux ans pour digitaliser l'ensemble des services e-gov. Deux ans sont-ils suffisants pour boucler le process ? En principe oui. A Dubaï on a demandé à l'ensemble des administrations de digitaliser 1.000 services en deux ans et cela a été fait. A mon sens il faut un leadership fort et intransigeant sur le sujet qui permettrait de transformer notre pays en peu de temps. Il faut que cela soit mis en place, de plus cela ne nécessite pas beaucoup d'argent. Que gagnerait-on de la digitalisation de services ? Elle redonnera de l'espoir au citoyen. Grâce à la technologie, il ne se frottera plus à l'administration. Le Marocain est-il bien préparé à manier l'outil digital? A partir du moment qu'on lui apporte ces fondamentaux, à savoir la transparence et la justice, il va apprendre à utiliser cet outil. C'est d'ailleurs dans son intérêt. Je pense que c'est une nouvelle façon de penser qu'il faut installer et opérationnaliser le plus vite possible. Au final tout le monde sortira gagnant, en l'occurrence citoyen, administration et entreprises. La nouvelle stratégie numérique accélérerait-elle cet élan? On ne peut parler de stratégie quand il faut opérationnaliser des choses évidentes. Le e-gov est une évidence. Personnellement je recommande de monter une équipe de terrain qui fera en sorte que ce sujet soit mis en place le plus vite possible. Pour moi stratégie signifie avenir, une perspective de 15 voire 20 ans qui devrait s'articuler autour des voitures électriques, maisons connectées, intelligence artificielle… C'est autour de ces axes qu'on devrait placer la stratégie. Je suis un peu frustré de voir lier le mot stratégie au «e-gov». C'est un peu tard. Il faut anticiper, exécuter, transformer, acter et déployer pour que le citoyen puisse profiter de la technologie. Vous qui êtes dans l'anticipation, quel bilan faites-vous des deux ans de La Factory ? J'ai découvert ce concept lors de mes voyages à l'étranger et je voulais absolument doter le Maroc d'un tel concept. Du coup, je n'ai pas attendu les subventions pour le concrétiser. J'ai puisé dans mes propres économies et je pense que j'ai réussi en ces deux dernières années à apporter de la valeur ajoutée sur le terrain. J'ai la conviction que chaque citoyen peut contribuer au développement de son pays à sa manière et ce sans attendre aucun retour. Il faut qu'on s'entraide et mette la main dans la main pour le bien du pays. Si le pays réussit on réussira avec. Qu'offre La Factory aux jeunes porteurs de projets? Nous agissons sur trois volets. Le premier consiste à booster les start-up en les incubant et en les intégrant dans des programmes de plusieurs mois. Par la suite, nous les connectons aux entreprises pour qu'elles puissent déployer leur innovation. Et le dernier volet porte sur le financement pour que leur activité décolle. Nous avons en effet créé plusieurs dispositifs de financement. Nous avons également été labellisés par la Caisse centrale de garantie (CCG), nous avons créé notre propre réseau de Business Angels avec des investisseurs et aussi lié des relations avec des fonds d'investissements locaux et internationaux. Il est utile de préciser que nous sommes ouverts aux jeunes issus des douze régions du Maroc et même en dehors du Royaume. Il suffit de candidater pour pouvoir les orienter vers le bon programme. Quand un projet correspond à un programme dont nous disposons, nous les intégrons et essayons de faire le chemin le plus long avec eux. Quelles sont les nouveautés de La Factory ? Nous avons plein de projets. Nous nous sommes donné un objectif de lancer une innovation chaque mois. La finalité étant d'embaucher plus de jeunes, de leur donner de l'espoir et tous les outils pour réussir.