Ecarté de la vie politique turque, le leader du parti islamiste au pouvoir devrait très vite revenir par la «grande porte» et occuper le poste de Premier ministre. Dimanche, tous les médias turcs scrutaient avec attention la province reculée de Siirt, dans le sud-est turc, à l'occasion d'une élection législative partielle mais toute aussi déterminante pour le pays. Trois sièges parlementaires devaient être attribués à l'issue d'un vote reconduit après un vice de forme constaté le 3 novembre dernier. Parmi les favoris : le leader du Parti de la Justice et du Développement, Recep Tayyip Erdogan, réhabilité sur la scène politique par ses pairs depuis l'accession de l'AKP au pouvoir. Secondaire sur le plan parlementaire, ce vote de dimanche devait donc permettre à l'ancien maire d'Istanbul d'obtenir un siège de député qui lui ouvrira les portes… de la primature. L'actuel chef du gouvernement turc, Abdullah Gül, n'a d'ailleurs jamais caché qu'il n'était là que pour permettre au leader du parti de prendre démocratiquement les rênes d'un pays qu'il dirigeait déjà, dit-on en coulisses. Sans attendre les résultats du scrutin, les médias et observateurs prédisaient, déjà dimanche, que l'accession de M. Erdogan à la tête de l'Exécutif pourrait se faire la semaine prochaine. Car le temps presse et la Turquie a besoin d'une politique cohérente sur le dossier irakien. La première décision politique du futur Premier ministre devrait être d'écarter du gouvernement ceux qui se sont opposés au déploiement de troupes américaines dans le pays et l'envoi de soldats turcs dans le nord de l'Irak. Il devrait ensuite proposer une nouvelle motion devant le Parlement sur la question, après le cinglant rejet de ce dernier -à trois voix près- fin février. Soutenu par la puissante armée turque, le projet américain d'ouvrir un front nord devrait donc, cette fois-ci, voir le jour. Autant dire que la victoire d'Erdogan relève d'un fin stratagème. Comble de l'histoire, elle devrait se faire dans la même circonscription qui lui avait valu, lors d'un discours électoral en 1997, quatre mois de prison et un bannissement de la vie politique !