La visite royale dans l'Oriental rentre dans le cadre de la politique de développement régional entamée par le Souverain depuis son accession au trône. Mais ce voyage dans cette région frontalière est souvent assimilé à un acte politique en raison du poids du voisinage algérien. Sauf que cette fois, un vent de décrispation souffle sur la région. On évoque de plus en plus une rencontre au sommet entre les deux chefs d'Etat et une probable réouverture des postes frontières. Sa Majesté le Roi Mohammed VI entame à partir d'aujourd'hui une visite officielle dans la région de l'oriental. Une visite qui va le mener dans les provinces de Nador, Berkane et Taourirt. À chaque étape, le souverain devait inaugurer un certain nombre de projets socio-économiques. À Nador, le nouvel aéroport, le tronçon de la rocade méditerranéenne, la nouvelle gare maritime et un grand lotissement. À Berkane, région à vocation agricole, le souverain va lancer les travaux d'une zone industrielle. L'Oriental se verra donc doter d'un ensemble d'infrastructures et d'équipements nécessaires à son développement et à son décollage économique. Cette partie du Maroc en a réellement besoin car elle souffre d'une grande insuffisance en la matière du fait qu'elle a longtemps été marginalisée par les pouvoirs publics. Il s'agit aujourd'hui de favoriser les conditions de désenclavement de l'Est du pays et en faire une région économiquement viable par la mise en valeur des atouts non négligeables dont elle dispose dans le cadre d'une vision intégrée et tournée vers l'avenir. En attendant, l'oriental et ses populations vivent essentiellement de l'économie frontalière en raison de leur proximité avec la frontière algérienne d'un côté et de la frontière artificielle de Mélilia de l'autre. Deux grandes portes par lesquelles transitent en contrebande les marchandises de toutes sortes. De l'Algérie vient, entre autres, le carburant vendu ensuite dans les rues d'Oujda et de l'enclave marocaine des produits agro-alimentaires. Cette économie informelle, qui profite aux gros bonnets de la contrebande locale, pénalise bien sûr les rares activités formelles qui ont pu se développer dans cette zone. Cette situation représente un manque à gagner considérable-il est difficilement chiffrable- pour l'économie régionale et bloque l'émergence de secteurs productifs créateurs de richesses et d'emplois. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l'oriental est l'une des principales places financières du Royaume en termes de dépôts. Ceux-ci représentent quelque 30 milliards de Dhs sur environ 242 milliards de Dhs que compte l'ensemble du pays. Provenant principalement des transferts des Marocains de l'étranger et des activités liées à l'informel, cette manne considérable qui dort dans les banques de la région aurait dû être normalement investie localement dans des projets utiles. Ce n'est pas le cas. Apparemment, les titulaires de ces comptes bien garnis préfèrent la thésaurisation à l'investissement. Une affaire de mentalité peut-être. Résultat : Les Oujdis, entre lassitude et espérance, attendent sans cesse des lendemains qui chantent. Ils vivent toujours dans l'espoir de la réouverture de la frontière terrestre maroco-algérienne fermée depuis août 1994 suite à l'attaque terroriste de l'hôtel Atlas-Asni à Marrakech. La levée de cette barrière, perçue comme une bouffée d'oxygène par les habitants et les commerçants de la capitale de l'oriental, va permettre également d'officialiser les échanges commerciaux entre les deux parties dans nombre de secteurs, de faciliter le déplacement des populations et de nouer les fils d'un véritable partenariat économique. Il semble que le processus de normalisation, qui est déjà sur les rails, se fera de manière graduelle conformément aux accords entre les deux parties. Dans un premier temps, il commencera par le rétablissement de la voie ferroviaire entre Casablanca et Oujda suivi ensuite par la mise en place d'une ligne aérienne entre les deux villes. La réouverture de la frontière terrestre viendrait, elle, en dernier ressort. “La normalisation des relations entre Rabat et Alger étant hypothétiques malgré le dernier rapprochement opéré entre les responsables des deux côtés, l'Oriental ne saurait éternellement lier son destin à une réouverture incertaine de la frontière“, a expliqué un homme politique d'Oujda. Autrement dit, il faut que la région puisse compter sur ses propres potentialités en générant son auto-développement. Ceci passe notamment par la valorisation de la dimension méditerranéenne, jusqu'ici escamotée, de l'Oriental et de la réorganisation de l'espace de cette région pour le rendre attractif pour les investissements locaux et étrangers. Tout un programme qui suppose une nouvelle approche dans le traitement des problèmes structurels dont pâtissent ces contrées du pays. Cependant, nombre d'acteurs locaux considèrent que les Algériens et les Marocains ne pourraient continuer longtemps à se tourner le dos alors qu'ils ont tout à gagner à travailler ensemble. “ Au-delà des projets que S.M le Roi inaugure ou lance dans la région, la visite royale se veut aussi un message en direction des responsables algériens”, a commenté un connaisseur du dossier maroco-algérien.