Le ministre de la Justice a annoncé officiellement à l'Hémicycle, mardi 11 novembre, l'ouverture d'enquêtes judiciaires à l'encontre des députés et des conseillers suspectés de changer leurs étiquettes politiques contre de l'argent. Vent d'effroi dans les travées des deux Chambres. Depuis l'ouverture de l'actuelle session, 44 députés et 35 conseillers, soit au total 79 élus, ont permuté d'un parti à un autre. Un chiffre qui n'est pas définitif puisque nombre de conseillers à la deuxième Chambre qui ont retourné leur veste n'ont pas encore décidé dans quels partis ils allaient atterrir. Le ministre de la Justice a annoncé officiellement à l'hémicycle, mardi 11 novembre, l'ouverture d'enquêtes judiciaires au sujet des députés et des conseillers qui ont changé leurs étiquettes partisanes. La déclaration de Mohamed Bouzoubaâ a fait souffler un vent d'effroi dans les travées de la Chambre et provoqué une véritable secousse tellurique dans le landernau politico-parlementaire. L'instruction devrait toucher dans un premier temps 44 députés et 35 conseillers, soit au total 79 élus. Un chiffre qui n'est pas définitif puisque nombre de représentants de la nation qui ont retourné leur veste n'ont pas encore décidé dans quelle nouvelle structure ils vont atterrir. Le ministre USFP de la Justice n'a pas mâché ses mots. «Il est déplorable d'apprendre qu'au sein même du Parlement, il existe des élus qui monnayent leur passage à un autre parti», a-t-il indiqué en substance. Il ajoute sur un ton ferme : «ce phénomène de corruption porte préjudice à la crédibilité de l'appareil législatif et au système politique». La chasse aux députés véreux et aux partis corrupteurs est désormais ouverte. Il est de notoriété publique que des choses malsaines, contraires à la déontologie politique, se passent sous la coupole. Des élus qui dès leur élection ou en milieu de mandat changent de bannière comme on change de chemise contre des sommes sonnantes et trébuchantes. Ce phénomène de transhumance de par trop douteux, devenu monnaie courante et s'imposant comme allant de soi, a pris des proportions très importantes au fil du temps. Un leader politique dont le parti ne dispose pas d'un minimum de 12 députés ou conseillers qui lui permet de former un groupe parlementaire recourt systématiquement et sans vergogne à l'achat des élus vendables. Le marché existe. Un commerce florissant. Au plus offrant. D'ailleurs, 15 conseillers à la deuxième Chambre, valeur aujourd'hui, sont sans étiquette politique. S'ils n'ont pas encore choisi leur nouvelle adresse partisane c'est qu'ils sont toujours en train de marchander leur siège, tâtant le pouls du marché comme on tâte la tomate sur les étals. Les institutions parlementaires nationales sont ainsi faites. Réduites à un grand bazar où les élus se vendent et s'achètent. Faire commerce de son siège comme une fille de petite vertu de son corps est devenu une affaire si rentable que des élus, généralement des quidams sans aucun droit de cité sous la coupole, changent de parti plusieurs fois pendant une législature. Certes, la Constitution n'interdit pas à un député qui veut changer de bord de le faire. Démocratie oblige. Mais force est de constater que cette liberté n'a servi qu'à encourager et à doper ce phénomène préjudiciable à la démocratie, à l'image du Parlement et de ses membres. Et puis passer d'un parti politique à un autre représente normalement une décision lourde de conséquence sur le plan politique. Elle suppose que l'intéressé a des divergences graves avec son parti initial au sujet de sa ligne, de son programme et de ses choix. Une telle décision doit en principe, dans un pays et une classe politique qui se respectent donner lieu à des explications publiques pour ne pas dire constituer un événement politique dans le microcosme. Rien de tel au Maroc. Le fait que la transhumance parlementaire s'y opère impunément et avec une facilité aussi déconcertante montre si besoin est l'absence flagrante de tout lien organique ou attache politique du député migrateur avec sa structure partisane. Cela prouve aussi que les partis politiques marocains, à quelques rares exceptions près, ne se distinguent que par la différence de leur sigle. Pas de programme. Pas de convictions. Aucun engagement. D'ailleurs, le point d'orgue de cette indigence est atteint lors des élections où nombre de partis accréditent le premier venu et courtisent n'importe qui. Pas besoin qu'il soit militant identifié comme tel. Il doit juste montrer patte blanche. Ces députés-là, sans foi ni loi, qui peuplent le Parlement où ils sont en plus rarement présents, méritent-ils d'être gratifiés en leur octroyant une indemnité mensuelle de 6000 Dhs ? Mohamed Bouzoubaâ a raison de vouloir mettre le holà à une situation scandaleuse et honteuse qui n'a que trop duré en décidant d'assainir par voie de justice l'appareil législatif loin de tout esprit vindicatif . M. Bouzoubaâ appartient à l'USFP. Il ne faut pas que la lutte contre la transhumance sous la coupole qu'il a décidée de mener débouche sur des règlements de compte de son parti avec ses adversaires politiques. L'affaire est très délicate. Il s'agit de sanctionner de manière juste et exemplaire ceux qui seront coupables après enquête d'avoir vendu leur adhésion à tel ou tel parti. Les dirigeants des formations politiques impliquées dans ces trafics doivent aussi répondre de leurs agissements devant la justice. La réhabilitation de la fonction de député et de son travail ainsi que l'amélioration de son image auprès de la population est un processus de longue haleine. Ceci passe entre autres par l'interdiction de la valse des étiquettes fantaisistes et sujettes à caution.