A la prestation inattendue du président irakien, a répliqué Colin Powell, par show, devant le conseil de sécurité. Des options que rien ne rapproche. La guerre, elle, est déjà là. Très attendue, l'intervention hier de Colin Powell, le secrétaire d'Etat américain, devant le Conseil de sécurité de l'Onu n'a pas vraiment convaincu. Au lieu de preuves, on a eu droit à des soupçons et des mises en garde contre les membres du conseil qui ne suivraient pas les directives de Washington. « Pourquoi un seul d'entre nous serait-il prêt à accorder à l'Irak le bénéfice du doute? », a demandé Colin Powell en présentant les preuves américaines tant attendues. M. Powell a diffusé des enregistrements et des photographies démontrant selon lui que l'Irak a dissimulé des armes interdites en prévision de la venue des inspecteurs en armements. Ces photos datées représentaient des entrepôts de munitions et un véhicule de décontamination qui ont disparu juste avant l'arrivée des experts sur le site en question. «Ces faits soulèvent le soupçon inquiétant que l'Irak ait été informé», a déclaré le secrétaire d'Etat américain. Selon lui, l'Irak a aussi modifié des réservoirs de chasseurs-bombardiers Mirage pour disséminer des gaz ou des armes bactériologiques. Au cours de son réquisitoire à la tribune du Conseil, le chef de la diplomatie américaine a cité le chiffre d'au moins quatre réservoirs de ce type. Il a fait diffuser quelques secondes d'images vidéo en noir et blanc montrant un de ces appareils, de fabrication française, lâchant sur son passage un nuage de gaz ou de fumée. «Nous n'avons aucune preuve que ces réservoirs ont été détruits», a-t-il ajouté. M. Powell a également affirmé que Bagdad avait la capacité de produire le virus de la variole et de l'utiliser comme une arme biologique. Il a averti que l'Irak « s'était placé en situation d'encourir de graves conséquences », faisant ainsi référence aux termes utilisés par la résolution 1441 votée en novembre dernier. «l'Irak a, au plus haut niveau, une politique d'esquive et de tromperie», a-t-il ajouté. Selon lui, le régime de Saddam Hussein «utilise les vastes ressources de ses services de renseignement pour espionner les inspecteurs» en désarmement. M. Powell a précisé que l'Irak avait mis en place un «système destiné à cacher des choses, à les dissimuler» et qu'il avait notamment proféré des menaces de mort contre des scientifiques irakiens s'ils révélaient des informations aux enquêteurs de l'ONU lors d'éventuels entretiens. «L'Irak n'a fait aucun effort pour désarmer», a encore dit M. Powell. Lors de son intervention de 90 minutes, le chef de la diplomatie américaine a fait entendre deux bandes sonores dans lesquelles deux interlocuteurs – «des officiers de haut rang de la Garde républicaine irakienne» - indiquaient dissimuler des éléments avant une visite des inspecteurs en désarmement. «Nous avons tout évacué. Il ne nous reste plus rien , y déclarait un officier irakien à un autre qui lui demandait de faire en sorte qu'aucun véhicule de la compagnie Al Kindi - impliquée selon M. Powell dans des «activités liées à des armes prohibées» - ne soit présent lors de la visite des experts. Le ministre français des Affaires étrangères a répliqué à l'intervention de Powell. Pour lui les déclarations du secrétaire d'Etat américain implique la poursuite des inspections. Une manière de dire que la France attend des preuves de culpabilité et non des soupçons. L'intervention de M. Powell intervient moins de vingt-quatre heures de la sortie médiatique de Saddam Hussein. Mardi soir, dans un entretien accordé à Tony Ben, ancien ministre travailliste, et diffusé par la chaîne de télévision britannique privée «Channel 4», le Président irakien n'a pas mâché ses mots. «Nous n'avons pas de rapport avec Al-Qaïda. Si nous en avions et que nous y tenions, nous n'en aurions pas honte», assure Saddam Hussein dans cette interview d'une heure. Il a réaffirmé que son pays ne possède pas d'armes de destruction massive et se dit convaincu que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne sont résolus à l'attaquer. « Toute personne de bonne foi sait qu'en ce qui concerne la résolution 1441, les Irakiens remplissent leurs obligations ». Il a réaffirmé que des divergences occasionnelles avec les inspecteurs en désarmement ne signifiaient pas que « l'Irak veut faire obstruction à leurs efforts visant à connaître la vérité. Les superpuissances peuvent à n'importe quel moment trouver un prétexte pour déclarer que l'Irak ne respect pas la résolution 1441. Elles ont dit par le passé que l'Irak ne respectait pas les résolutions antérieures », a-t-il ajouté. Le président irakien estime par ailleurs que l'escalade dans la crise est due, en Amérique, aux partisans de l'entité sioniste. Il a dénoncé sans les nommer des «personnes influentes dans les décisions prises par le président des Etats-Unis fondées sur la sympathie pour Israël créé aux dépens de la Palestine et de son peuple». «Ces personnes ont forcé la main à l'administration américaine en plaidant que les Arabes représentaient une menace pour Israël». «Ces personnes et d'autres ont dit aux administrations américaines successives, et en particulier l'actuelle, que pour contrôler le monde, il faut contrôler le pétrole. La destruction de l'Irak est donc une condition préalable au contrôle du pétrole», a encore estimé le président irakien. On n'est pas obligé de croire Saddam Hussein, ni donner un chèque en blanc à Colin Powell. Mais cette histoire d'armes de destruction massive ressemble bien à un feuilleton de science fiction. Sauf que les attaques américaines seront bien réelles et trop meurtrières. • Synthèse Noureddine Jouhari