Les pouvoirs publics misent sur le tourisme en tant que levier de développement, mais le secteur demeure fragile et sensible au climat de pré-guerre qui plane sur le monde. L'exacerbation des tensions et les conséquences d'un conflit armé pourraient se traduire par l'aggravation de la morosité qui pèse déjà sur des pans entiers de ce secteur fortement dépendant de la clientèle étrangère. Les troisièmes assises du tourisme auront lieu le 14 février prochain à Agadir. Ce sera l'occasion de dresser un bilan des actions contenues dans l'accord-cadre signé le 10 janvier 2001 à Marrakech entre les pouvoirs publics et la CGEM. Étalé sur la période 2001-2010, ce contrat-programme placé sous le signe “Le tourisme : une vision, un défi, une volonté“, se propose de “construire une vision ambitieuse du développement du secteur“. Or, force est de constater que de nombreuses mesures apportées par le contrat en question n'ont pas été mises en œuvre ou ont pris du retard par rapport aux délais prévus. Ainsi, par exemple, de l'achèvement de l'étude sur le tourisme national qui devait être prête en mars 2002 ou de la signature de la convention ONMT-CGEM qui devait intervenir en décembre 2001… Le problème, c'est que le temps n'attend pas. Le temps dont les responsables du secteur sont censés faire le meilleur allié pour atteindre les objectifs assignés. En fait, le tourisme au Maroc a souffert particulièrement des effets d'annonce. Les multiples ministres qui se sont succédé à la tête de ce département, au cours des trois dernières décennies, n'ont fait pratiquement que ça. Ils annonçaient beaucoup de choses au départ et après pour justifier leur inaction ils se défaussaient sur les autres en accusant les blocages et les forces d'inertie. Même si comparaison n'est pas raison, le Maroc se trouve peu ou prou dans la même situation que l'Espagne en 1962 quand Franco désigna Manuel Fraga Iribarne comme Ministre du Tourisme et de l'Information. L'Espagne avait alors une capacité hôtelière insignifiante, une quasi-absence de ressources humaines et une carence manifeste de vision de développement intégrée. En 1985 sa capacité dépassait les 800 000 lits et sa recette touristique atteignait les 20 Milliards de Dollars. En 2000 notre voisin ibérique dispose de près de 1.3 Million de lits et sa recette touristique voisine les 30 Milliards de dollars. On raconte que M. Fraga Iribarne avait conditionné son acceptation du poste ministériel à l'adhésion totale du Ministère des Finances et de la Banque d'Espagne à son programme qui nécessitait des budgets importants en termes d'infrastructures et de promotion. Il aurait demandé également qu'en matière de transport, les arbitrages soient du fait du Caudillo lui-même. Les relations de camaraderie entre ministres ne pourront jamais remplacer les canevas institutionnels. Le nouveau ministre du Tourisme, Adil Douiri, est appelé à se donner les moyens pour adosser sa politique à un vrai soutien stratégique en matière de transport aérien, terrestre et maritime et s'attacher l'appui sans réserve des Finances et de l'Intérieur pour une période de 5 ans reconductible. Car les problèmes du transport dans sa globalité, ceux de l'encadrement de la population et les questions relatives à l'accueil ne peuvent nullement être traités par des mesurettes ou sur la base de simples professions de foi. Alors que la menace de guerre contre l'Irak plane sur l'industrie touristique, le secteur national semble, encore une fois, démuni et plus fragile que jamais à cause d'une crise qui pourrait s'entendre sur le temps. Les retombées seraient très néfastes, à tout le moins identiques à celles de la première guerre du Golfe en 1990. La question est incontournable : quelle solution de repli si le pire survenait ? Le tourisme interne. Sauf que celui-ci, qui pourrait amortir le choc, a toujours été considéré comme un pis-aller. Une infime partie des Marocains commence à peine à être éduquée à la culture des voyages domestiques. Une négligence due probablement au fait que les nationaux ne paient pas en devises. Cependant, le Maroc étant économiquement à la merci des perturbations à l'échelle internationale et le tourisme étant d'abord une activité pourvoyeuse en devises, il convient de mettre le paquet sur la communication à l'extérieur sur la base d'un cahier de charges et d'obligations de résultat. Partant de là, c'est toute l'action promotionnelle de l'ONMT qui a besoin d'être adaptée en direction des pays émetteurs à travers leurs tours operators et leurs supports médiatiques. Le tourisme ne saurait être confinée uniquement à une assiette ou à un lit encore moins à la qualité de bronzage. Le tourisme est plus que cela : c'est un état d'esprit qui suppose le concours de l'ensemble des intervenants. La défaillance d'un seul maillon de la chaîne rejaillit sur tout le secteur.