Rencontrée au Salon du livre de Casablanca, Amina Retnani, directrice du Carrefour des arts, parle de son projet de livres pour enfants qui vise à faire redécouvrir le patrimoine national aux petits. Entretien. ALM : Vous avez lancé la collection pour enfants «Malika et Karim», comment est née cette idée ? Amina retnani : J'ai toujours voulu transmettre à mes enfants la culture marocaine à travers les livres, mais j'étais confrontée à un vide dans ce domaine. Un jour, je me suis dis que je devais m'y mettre. Alors à travers les éditions «Eddif» de mon mari, nous avons tenté une première expérience. Nous avons lancé un livre qui s'inspire d'une poésie du Melhoun «Khalkhal Aouicha». Ensuite, je voulais perfectionner cette collection, j'ai commencé à l'imprimer en France et nous avons même enregistré une cassette sur le tarab Melhoun. Par la suite dans les années 90, le prix de cet ouvrage avait atteint 68 DH. Mais malheureusement, le livre ne se vendait pas. Il ne se vendait pas; question de prix peut-être ? Oui, c'est vrai c'était un peu cher. Mais cela ne veut pas dire que ces ouvrages pour enfants n'avaient pas de succès. Comme ça ne reportait pas et qu'en plus c'était les éditions Eddif qui finançaient, j'ai abandonné le projet. Mais vers la fin des années 90-2000, le bureau du livre de l'ambassade de France représenté par Jacques Bertoin voulait absolument laisser une structure jeunesse avant son départ. Il m'a alors proposé de monter une maison d'édition pour jeunes, mais j'avais tellement de projets que j'ai laissé tomber. Finalement, c'est Nadia Essalmi qui a crée une maison d'édition spécialisée en livres pour jeunes. Mais alors comment êtes-vous arrivé à lancer toute une collection pour enfants comme celle de «Malika et Karim», et «raconte moi» ? En 1995, j'ai racheté les droits de la maison d'édition française «La croisée des chemins». Au départ on imprimait des livres toutes catégories confondues mais qui avaient surtout pour cible les adultes. Mais le département jeunesse n'a pas tardé à voir le jour. Il fut mis en place au sein de «la croisée des chemins» en 1998. L'idée était d'éditer des livres pour enfants avec un référent culturel marocain. J'ai rencontré la jeune écrivain Sonia Ouajjou qui voulait créer une colection d'avanture de 2 enfants un garçon et une fille et leur animal de compagnie. C'est là qu'est née la collection Malika et Karim. Aujoirdhui nous sommes arrivés à 7 livres de cette même collection : «le mariage de Lala Keltoum», «Le feu de bois de Achoura», «La nuit du destin», «les jnouns de la médina de Fés», «Lallla Mizette au bled de l'arganier», «A la recherche du trésor des Almohades», «Le tajine de ftouma», fait partie de cette série. Où sont puisés les thèmes de ces contes ? Sonia Ouajjou les a puisés dans la vie quotidienne. Et règle générale, ces livres poussent à revisiter le patrimoine marocain, les métiers et les traditions. Chaque livre se situe dans une ville. En outre et ce qui est important c'est que la fille Malika est l'aînée. C'est délibéré. Nous avons voulu enlever l'image de la femme soumise. Ici c'est la femme qui véhicule les valeurs. Les histoires sont puisées dans la tradition tout en étant inscrites dans la modernité. C'est une façon de véhiculer des valeurs universelles. Plonger dans les us et coutumes permet de mieux émerger et être moderne. C'est l'exemple de l'arbre qui pousse bien s'il est bien enraciné. Mais est-ce que cette collection a rencontré du succès ? Cette collection a eu sans aucun doute beaucoup de succès. Nous avons au départ tiré à 2000 exemplaires. En écoulant nos stocks nous avons réédité «Malika et Karim» en 2000. Nous avons vendu 3000 exemplaires en 4 ans. Cette collection a été même traduite en espagnol, j'ai vendu les droits à une maison d'édition espagnole. En parlant de traduction, vous avez traduit «malika et Karim» en arabe également ? Oui, le ministère de la Culture s'est proposé de la traduire en arabe. Lorsque j'ai présenté cette collection en français lors du Salon international du Livre et de l'édition, au ministre de la culture, il a compris qu'il y avait une nécessité de publier des livres pour enfants en arabe. Alors il s'est proposé de financer l'impression de la collection en arabe. Nous, on supporte les frais de maquette, frais de traduction et les droits d'auteurs. Mais nous avons accepté de traiter avec le ministre de la Culture en imposant nos propres conditions ? A savoir, la qualité. Résultat nous avons réussi une qualité aussi bonne que celle de la collection en Français. En plus de cela, cette traduction comporte une nouveauté ; ça coûte moins cher. Alors que la collection française coûte 48 DH, celle en arabe coûte 25 DH.