En rendant visite à son oncle maternel en compagnie de sa fille, mineure, Jamal ne s'imaginait qu'il allait jeter son aînée entre les griffes d'un violeur sans pitié. Chambre criminelle, premier degré, près la Cour d'appel de Casablanca. La salle d'audience est archicomble. Les cinq magistrats, le représentant du ministère public et le greffier sont déjà penchés sur l'examen d'un dossier après le report d'une dizaine d'autres. Khalid, la trentaine, célibataire, était assis au banc des accusés. Il écoutait très attentivement l'audition du mis en cause qui se tenait devant les magistrats et tournait la tête de temps en temps vers l'assistance pour tenter d'apercevoir des membres de sa famille. Vêtu d'un tricot en coton, d'un blouson en cuir et d'un jean's et chaussé d'une paire de babouches, il adressait de temps à autre un sourire à ses amis qui occupaient des sièges au sein de l'assistance. Apparemment, ces derniers ne croyaient pas aux accusations attribuées à leur ami, Khalid. Quand ce dernier a été appelé à la barre, il s'est levé du banc des accusés et s'est dirigé, d'un pas traînant, vers le box. Il continuait de tourner la tête de temps en temps vers l'assistance. « Respectez la cour et cessez de tourner la tête », lui intima le président de la cour qui a ouvert son dossier et a commencé à lui rappeler son identité. Khalid se contentait de hocher la tête sans piper mot. «Tu dois répondre verbalement à la cour et non pas par des hochements de la tête », lui fait remarquer sèchement le président de la cour. « Tu es accusé de viol d'une mineure de moins de quinze ans », lui rappelle l'accusation qui lui a été attribuée par le parquet général. Khalid a écarquillé les yeux, sans répondre ni par oui ni par non. Le président de la cour lui a demandé de répondre. « Il faut que tu te défendes », ajouta le président de la cour qui le scrutait du regard d'une fois à l'autre avant de regarder le dossier qu'il avait entre les mains. «Je regrette ce que j'ai fait, Monsieur le président …J'étais ivre», avoue Khalid. Il était chez lui, quand son neveu, Jamal, et la fille de celui-ci, Soumaya, âgée de treize ans, lui ont rendu visite. Khalid était en compagnie de l'un de ses amis et de son épouse. Tout ce beau monde buvait et discutait. Choqué qu'un homme puisse accompagner son épouse chez un ami pour se soûler, Jamal s'apprêtait à rebrousser chemin. Seulement Jamal lui a demandé de rester. «Celui-ci est mon ami et cette femme est son épouse, ils vont partir dans quelques minutes, car nous avons déjà assez bu…». Un quart d'heure plus tard, le couple est effectivement parti, laissant Jamal et sa fille en sa compagnie. Tous deux ont engagé une conversation concernant leur famille, alors que Soumaya les regardait sans rien faire. « Je ne peux pas sortir parce que je suis ivre, tiens voilà de l'argent et ramène-nous une bouteille de soda», demande Khalid à Jamal. Ce dernier n'a pas hésité et il est sorti pour aller chez l'épicier situé à une dizaine de mètres du domicile de Khalid. Mais, à son retour, il a remarqué que la porte était verrouillée de l'intérieur. Il a frappé à maintes reprises. Mais en vain. Son oncle maternel ne voulait pas lui ouvrir. Pourquoi ? Il n'en savait rien. Il a commencé à l'appeler à haute voix. Toujours en vain. La porte restait obstinément close. Ce comportement lui a mis la puce à l'oreille. Est-il sorti avec sa fille ? Pour se rassurer, il a mis son oreille contre la porte. Il a entendu la voix de sa fille. Elle pleurait. Pourquoi? Jamal a continué à frapper à la porte, mais violemment cette fois. Et il appelait sa fille. Ce n'est que dix minutes plus tard que sa fille lui a ouvert la porte, pour se jeter, en sanglots, dans ses bras. «Que t'est-il arrivé ?», lui demanda-t-il. Il n'en a pas cru ses oreilles quand il a entendu la réponse de sa fille. Il n'aurait pas pu imaginer que son propre oncle puisse en arriver à violer sa fille. En relatant à la cour son histoire, Soumaya n'a pu retenir ses larmes. Elle a expliqué qu'une fois son père était sorti chez l'épicier, Khalid s'est levé pour aller verrouiller la porte. De retour dans la chambre, il a déboutonné son pantalon et s'est jeté sur elle pour abuser d'elle. Seulement, il a pris soin de ne pas la déflorer. Jamal, quant à lui, est resté maître de ses nerfs, gardant son sang-froid pour s'adresser à la police et déposer plainte. Sinon, la situation aurait pu tourner au drame. Après le réquisitoire du représentant du ministère public qui a requis une peine lourde contre le mis en cause qui « a porté atteinte à l'innocence en violant une proche, mineure » et les plaidoiries de l'avocat de la défense, la cour a jugé Khalid coupable et lui a accordé les circonstances atténuantes pour le condamner à trois ans de prison ferme. Un châtiment qui ne réparera jamais les blessures de Soumaya.