«Nous avons reçu plusieurs cas graves. C'est notamment le cas d'un aide commerçant âgé de 26 ans. Sa femme et sa belle-mère l'ont battu violemment. Le jeune homme a une fracture de la mâchoire inférieure». Si la grande majorité des victimes de violences conjugales sont des femmes, les hommes maltraités par leurs épouses sont de plus en plus nombreux dans notre société. Selon Abdelfattah Bahjaji, président du Réseau marocain pour la défense des droits des Hommes, 22.850 cas d'hommes violentés par leurs femmes ont été recensés par l'association depuis sa création en 2008 jusqu'à présent. Pour la seule année 2017, le Réseau a notifié 2.500 cas. En livrant ces chiffres, M. Bahjaji fait remarquer que «ces statistiques ne tiennent pas compte des appels téléphoniques. En moyenne nous recevons 2 à 3 appels d'hommes victimes de violence chaque jour. Il nous arrive parfois de recevoir jusqu'à 10 appels». Le président du Réseau estime que ces chiffres ne reflètent pas la réalité. «Le nombre d'hommes violentés est beaucoup plus important. Le souci de leur image les empêche de dénoncer ces violences», indique M. Bahjaji. Ce dernier estime également que les statistiques seraient plus alarmantes s'il existait au Maroc d'autres structures d'aide aux hommes battus. En effet, le Réseau constitue actuellement la seule association à s'occuper des hommes violentés. Les témoignages d'hommes battus montrent que le phénomène touche toutes les catégories sociales, toutes les tranches d'âge et toutes les villes. Fracture de la mâchoire, blessure à la main par un coup de couteau… Les violences conjugales subies par les hommes sont beaucoup plus souvent physiques que sexuelles. Le président de l'association note que la violence physique arrive en tête et représente 25% des cas traités. En parlant de ce type de violence, M. Bahjaji fait allusion aux coups et blessures. Fracture de la mâchoire, blessure à la main par un coup de couteau, fractures de l'épaule figurent parmi les cas extrêmes. Et les témoignages sont nombreux. «Durant les dix années d'existence du Réseau, nous avons reçu plusieurs cas graves. C'est notamment le cas d'un aide commerçant âgé de 26 ans. Sa femme et sa belle-mère l'ont battu violemment. Le jeune homme a une fracture de la mâchoire inférieure», signale le président du Réseau marocain pour la défense des droits des Hommes. C'est aussi le cas d'un retraité âgé de 67 ans qui garde toujours de graves séquelles. «Son épouse accompagnée de sa sœur l'ont frappé brutalement à la tête à l'aide d'un bâton. La victime a eu plusieurs points de suture à la tête. Il a constamment des vertiges et il lui arrive très souvent de tomber», raconte M. Bahjaji. Les femmes ont recours à toutes sortes d'objets pour agresser leurs conjoints: ustensiles de cuisine, pilon (Mehrez), couteau, bâton sans compter les coups de poing, les gifles, les coups de griffes, les morsures. Violence sexuelle : Les cas sont rares En revanche, les cas de violence sexuelle sont plutôt rares. «Nous n'avons reçu que 5 cas jusqu'à présent», indique le président. Ce type de violence correspond au fait d'imposer son désir sexuel au partenaire ou d'influencer par la violence la relation sexuelle. M. Bahjaji signale deux cas. Celui d'un jeune homme qui a été licencié par son employeuse car il ne voulait pas avoir de relations sexuelles avec elle. C'est aussi le cas d'un gardien qui a fait l'objet d'harcèlement sexuel. La maîtresse de maison profitait de l'absence de son époux pour lui faire des avances sexuelles. Parmi les autres types de violence figure la violence verbale qui représente 20% des cas notifiés. Elle se manifeste par des accusations non fondées ou le recours aux insultes devant les enfants, les voisins, en plein public ou sur le lieu du travail du conjoint. A ce sujet, le président de l'association cite le cas «d'une femme qui se rend régulièrement au commerce de son mari pour l'insulter devant tous ses clients. Au quartier où il habite, tout le monde est au courant». Par ailleurs, il faut signaler que beaucoup d'hommes au Maroc sont victimes de violence juridique. M. Bahjaji met en avant ces pères de famille qui sont contraints de payer des pensions alimentaires (Nafaqa) supérieures à leurs salaires. «Nous avons récemment reçu un cas désespéré. Il s'agit d'un fonctionnaire père d'un enfant qui vit à Casablanca. Après son divorce, le tribunal l'a contraint à verser une pension alimentaire de 3.000 DH par mois alors qu'il touche un salaire de 2.400 DH», indique-t-il. Pour ce qui est de la violence matérielle, les cas sont loin d'être rares. «Dans la majorité des cas qui ont été signalés, des épouses dérobent à leur mari leur carte nationale, passeport, permis de conduire, chéquier… voire des dossiers confidentiels de l'entreprise du travail. C'est un moyen pour elles d'obtenir ce qu'elles veulent en les faisant chanter», conclut-il.