Les Etats-Unis aurraient complètement changé de position à l'égard des dirigeants saoudiens. Le quotidien français «Libération» évoque un rapport qui planifierait un démembrement de l'Arabie Saoudite. Circulant au plus haut niveau dans les milieux officiels à Washington. Un rapport fait peur aux dirigeants saoudiens. Après le renversement de Saddam Hussein et la mise sous tutelle de l'Irak, il prône la sécession de la province du Hasa (Est du Royaume) qu'il encourage froidement. Cette région n'est pas seulement la plus riche province pétrolière de l'Arabie Saoudite. Elle est aussi très majoritairement peuplée d'Arabes chiites qui ont peu de goût pour la monarchie wahhabite et qui se révoltèrent même contre elle en 1979, à l'instigation de l'Iran. Le démembrement complet de l'Arabie Saoudite est aussi envisagé : les Lieux Saints de la Mecque et Médine se verraient confiés aux Hachémites ? Qui, en tant que descendants du Prophète, bénéficient d'une légitimité qui fait défaut à la dynastie des Saoud. Poussant très loin l'indélicatesse à l'égard de leur allié saoudien, les Americains n'ont pas hésité à faire travailler sur ce sujet brûlant un chercheur israélien de l'Université Bar llan à Tel Aviv. Don princier. Depuis le 11 septembre 2001, ce n'est pas le seul signe d'hostilité manifeste témoigné par les Etats-Unis à l'égard de Riyad. Le 10 juillet, Laurent Murawiec, expert à la Rand Corporation, un influent institut de recherches, déclarait au beau milieu d'une réunion du Défense Policy Board (Bureau sur la politique de défense) au Pentagone : «les Saoudiens sont très actifs à tous les niveaux de la chaîne de la terreur, des planificateurs aux financiers, des cadres aux militants, des idéologues aux leaders.(..) l'Arabie Saoudite soutient nos ennemis et attaque nos alliés. «La semaine dernière, Newsweek révélait que des dons charitables, d'un montant de 130 000 dollars (environ autant d'euros), de la Princesse Haïfa al-Fayçal, épouse de l'actuel ambassadeur saoudien à Washington, le Prince Bandar ben Sultan, avaient échoué dans les mains d'acolytes des deux pirates de l'air saoudiens impliqués dans les attentats du 11 septembre. A Ryad, cette attaque a été jugée particulièrement hostile : la Princesse est la fille de l'ex-Roi Fayçal et son mari l'homme clé, depuis des années, des relations américano-saoudiennes. Face à cette campagne de dénigrements sans précédent, menée notamment par Richard Perle, directeur du puissant Defense Policy Board du Pentagone, le Royaume s'est trouvé dans l'obligation de lancer une vaste campagne de relations publiques qu'il a confiée au cabinet de lobbying Patton-Bogg. Mardi il faisait proclamer depuis Washington par Adel al-Joubeir, conseiller diplomatique du Prince héritier Abdallah, le renforcement de la réglementation et le contrôle financier des organisations caritatives islamiques. Ont aussi été annoncées la création d'une unité de renseignement financier au sein de la Banque centrale et des différentes banques privées saoudiennes, ainsi que la relance de la commission antiterroriste conjointe avec les Etats-Unis. Naïveté. Faisant écho aux déclarations de la Maison-Blanche, qui jugeait que les dirigeants saoudiens pouvaient faire plus en matière de lutte antiterroriste, le même conseiller reconnaissait que «par le passé», ils avaient pu être «naïfs» : «nous n'avions pas de moyens de contrôle adéquats sur toutes nos donations. En conséquence de quoi, certains ont pu profiter de notre charité et de notre générosité». Il a aussi dénoncé les «critiques sévères et scandaleuses, qui frôlent la haine» lancées contre le Royaume, affirmant qu'Oussama ben Laden avait fait exprès d'utiliser une majorité de Saoudiens pour commettre les attentats du 11 septembre afin de nuire à l'image de son pays aux Etats-Unis : «Quand on regarde qui étaient les pilotes, ils venaient du Liban, des Emirats, d'Egypte et d'Arabie Saoudite. Quand on regarde les (pirates) à l'arrière des avions, ils étaient tous Saoudiens (…). Pour donner un visage saoudien à cette opération et créer le doute dans l'esprit des Américains et aussi pour enfoncer un coin entre nos deux pays. Et vous savez quoi, il a presque réussi, a-t-il ajouté. S'il est mort, il doit rire dans sa tombe. S'il est vivant et assis dans une grotte, il doit faire de même». Mais ce que le pouvoir saoudien tait, c'est qu'il a dû accepter le retour de centaines de ses ressortissants membres d'Al-Qaïda, fuyant l'Afghanistan et dont il craignait la capacité de nuisance. Ils ont été dispersés aux quatre coins du pays avec l'obligation de se tenir tranquille. En fait, si la famille royale veut tenter de redresser des relations fortement remises en cause, elle n'aura pas la partie facile. Une boutade qui circule dans certains milieux proche-orientaux le dit bien : «En Arabie, il n'y a que 50% du peuple qui soit antiaméricain parce que les cinquante autres sont pour Ben Laden». «Aucune assistance». Récemment, les ouléma du Royaume ont publié dans la presse une déclaration dans laquelle ils mettent en garde contre l'émiettement de la souveraineté des Etats musulmans. Dans ce contexte, le régime n'a pas encore décidé s'il permettrait aux Etats-Unis d'utiliser ses bases en cas d'attaque de l'Irak. En octobre, le Prince Sultan, ministre de la Défense saoudien, assurait que son pays n'apporterait « aucune assistance » aux forces américaines. Depuis, un débat s'est fait jour au sein de la famille royale et les déclarations sont plus nuancées. On est loin de la Turquie qui, pourtant dirigée par un gouvernement islamiste, a donné, mardi, son accord à l'utilisation de ses bases. • Jean-Pierre Perrin Libération France du 05/12/2002