La semaine du safran débute vendredi 31 octobre à l'Ourika, à l'occasion de la floraison de cette plante. Son initiateur est un original qui espère révolutionner la culture de cette épice dans notre pays. Véritable encyclopédie sur le safran, Abdelaziz Laqbaqbi nous apprend des vérités étonnantes sur la plante qui colore nos plats. C'est l'hirondelle qui fait, depuis des siècles, le printemps. Alors que toutes les plantes hibernent en automne, le safran fleurit d'octobre à novembre. En raison de cette particularité et d'innombrables vertus, le safran est souvent qualifié d'épice mystique. Cette plante millénaire est louée dans de très anciens récits. Homère la cite dans ses épopées, Virgile dans ses poèmes et Pline dans ses livres d'Histoire. En Inde et dans l'ancienne Egypte, le safran était considéré comme le symbole de la résurrection : il s'épanouit à une période où tout semble mort. Le maître d'œuvre de la semaine du safran dans la vallée de l'Ourika est intarissable sur les vertus de cette plante. Abdelaziz Laqbaqbi n'est pas un cultivateur orthodoxe. Il est même connu dans le milieu des chirurgiens comme l'un des meilleurs en orthopédie et traumatologie. L'intéressé n'aime pas confondre chirurgie et culture du safran. « Il n'y a aucun rapport entre les deux pratiques », dit-il. Lorsqu'on insiste un peu sur la corrélation entre la chirurgie et le safran, il répond : « j'exerce un métier difficile. Certains chirurgiens vont à la chasse, d'autres jouent au golf. En ce qui me concerne, je respire le week-end en m'occupant du safran ». Abdelaziz Laqbaqbi a fondé une safranière à l'Ourika. Une région où la culture de cette plante n'existait pas. Après une expérimentation, l'année dernière sur un hectare, les résultats ont été probants. D'où l'idée de convier les amoureux du safran à venir assister à sa floraison à partir du vendredi 31 octobre jusqu'à la fin de la cueillette. Laqbaqbi espère attirer des touristes naturalistes et des passionnés de la botanique. Contrairement à la région du Taliouine, véritable fief de la culture du safran, l'Ourika se trouve à proximité de Marrakech, et peut à cet égard constituer une étape dans le parcours des touristes qui partagent la même passion que le chirurgien. Ce dernier est capable de les entretenir sur cette plante pendant des heures. Car en matière de safran, Abdelaziz Laqbaqbi est une vraie encyclopédie. Il cite de concert la toge du Dalaï Lama dont la pureté de la couleur vient du safran. Rappelle à ce sujet que le mot safran s'est introduit dans les langues latines grâce à l'arabe “zaâfarân”. Évoque avec mépris le colorant synthétique qu'un grand nombre de Marocains utilisent dans la cuisine. « Il n'a pas de goût, ne flatte pas l'odorat et selon certaines études, le safran artificiel serait cancérigène ». Lorsqu'on proteste pour dire que le vrai safran n'est pas à la portée de toutes les bourses, Laqbaqbi répond : « le safran colore cent mille fois son volume d'eau. Un kg de safran peut colorer 300 000 plats ! » Combien coûte un kg de safran au Maroc ? 12 000 DH. En France, cette somme se multiplie par 10, puisque le prix du kg varie entre 100.000 et 270.000 DH. La cherté de la main-d'œuvre n'est pas la seule responsable de ce prix. Sa qualité vaut son pesant en or. Abdelaziz Laqbaqbi a assisté à des colloques sur le safran, organisés en Europe. Il explique que tous les producteurs étrangers s'accordent sur la qualité de la couleur et du parfum du safran marocain, mais lui reprochent son impureté. Les producteurs marocains mélangent le stigmate avec les débris floraux pour augmenter le poids de l'épice. Laqbaqbi est déterminé à défendre la réputation du safran marocain. Dans la ferme de l'Ourika, l'émondage, consistant à séparer les stigmates de l'enveloppe florale, s'effectue de façon à ne pas laisser filtrer de débris. Et pour conserver les arômes des stigmates, l'intéressé n'utilise pas les moyens de séchage traditionnel, mais un four électrique qui permet l'évaporation de l'eau à une température comprise entre 35 et 50° C. C'est là seulement quelques détails de l'instruction qu'apporte cet amoureux-fou sur le produit qu'il cultive. Il compte apporter sa pierre à l'édifice en augmentant la production nationale qui se quantifie à 1, 5 tonne. Il compte surtout apporter une nouvelle approche dans la culture du safran marocain et augmenter le nombre de ses zélateurs aux quatre coins de la planète.