D'un marchand d'effets vestimentaires et d'un journalier à la promotion nationale, Saïd passe à l'escroquerie en se faisant passer pour un élément des Renseignements généraux à Marrakech. Hakima, vingt-huit ans, faisait un tour, cet après-midi du mois de septembre 2002, à la place Koutoubia, Marrakech. Elle ne pensait qu'à elle-même et à sa situation de chômeur qui pèse lourd sur ses jours et son avenir. Quand elle a décroché sa licence en Droit privé, elle a rêvé de devenir juge, avocate, fonctionnaire dans un établissement public. Seulement, ses rêves ont été brisés quelques mois plus tard. Ces mois sont devenus, désormais, trois ans. Et elle est toujours au chômage. D'abord, elle n'a pas cessé, durant ces années, de rédiger des demandes d'emploi, et de frapper aux portes, de passer des concours. Mais en vain. Elles sont fermées au point que son espoir de trouver un boulot commence à se volatiliser. Seulement Saïd entre dans sa vie et change son désespoir. Saïd, très élégant, bien rasé, vêtu d'un costume bleu marine et d'une chemise bleu ciel, un téléphone portable à la main, la croise à la place Koutoubia. Leurs regards se sont rencontrés et cèdent la place aux sourires. Saïd avance quelques pas puis retourne vers elle, la suit pour lui chuchoter une phrase séduisante : «Tu es vraiment belle comme une rose…». Elle lui lance un regard séduisant, ralentit ses pas puis s'arrête. Une manière de l'encourager à aller plus loin. D'un mot à l'autre, ils engagent une conversation sur la vie et le parcours de chacun d'eux. Elle apprend qu'il est célibataire et qu'il a trente-huit ans. «Je suis un élément des Renseignements généraux à la wilaya de Marrakech…», lui confie-t-il sur un ton de modestie. Sa façon de parler, de converser, de s'habiller lui a plu. Elle a passé en sa compagnie, en un clin d'œil, une heure et demie. Ils se sont mis d'accord pour se rencontrer le lendemain. «Je ne peux pas te rencontrer demain parce que je serais en mission à Rabat pour une journée…», lui affirme-t-il. L'heure du rendez-vous sonne. Ils se rencontrent dans un café au quartier Gueliz, sirotent leurs verres de thé, conversent et échangent des idées. Entre temps, il l'interroge : «Pourquoi tu ne travailles pas alors que tu as ta licence en Droit ?». «Qui trouve du travail ?», lui répond-t-elle. Saïd hoche sa tête avant de lui demander : «Et si quelqu'un arrive à t'embaucher à la wilaya de Marrakech ?». «Je ne l'oublierai jamais et je lui donnerai tout ce qu'il me demande…» Saïd n'hésite pas à lui préciser : «Mais ce n'est pas gratuit, c'est contre 30 mille dirhams…». Hakima baisse la tête pour quelques secondes, puis lui lance un regard et lui exprime son accord. «Avec une condition que je te verse la moitié et le reliquat après l'embauche…». «D'accord et tu me prépares une demande d'emploi, ton CV et ton diplôme». Hakima s'adresse à ses parents, leur propose l'offre. Son père accepte sans discussion, bien qu'il ne dispose pas de la somme convenue. «Le plus important pour moi est que tu dépasses cette situation de dépression…», lui dit son père. Emue, Hakima lui embrasse la main. Le père de Hakima s'est débrouillé pour avoir les 15 mille dirhams. Hakima livre son dossier à Saïd et lui verse l'avance. Il la rassure d'une réponse dans les trois jours qui viennent. Deux semaines plus tard, Saïd ne tient pas encore sa promesse. «Tu dois me verser les 15 mille dirhams qui restent pour t'embaucher…», lui répond-il quand elle lui demande une explication sur le retard de l'embauche. D'une semaine à l'autre, Hakima s'adresse à la police et dépose plainte. Mardi 26 novembre 2002, Saïd a été arrêté. «Je n'étais jamais un élément de la RG», avoue-t-il à la police. A un niveau scolaire ne dépassant pas la phase préparatoire, Saïd se livre au commerce d'effets vestimentaires. Après quoi, il a été embauché à la promotion nationale pour être mis par la suite au chômage. Comment se procure-t-il l'argent pour afficher l'élégance ? Son atout : les bonnes paroles peuvent être l'appât pour attirer des victimes à son filet. Et il a passé à l'acte pour en arnaquer une dizaine de victimes, toutes des femmes. Seule Hakima n'a pas pu avaler la couleuvre et s'est adressée à la police.