Aucun pays au Maghreb ne peut dire qu'il est à l'abri des attentats terroristes. La gravité de la situation n'est pas la même, mais la vigilance s'impose. Tueries en Algérie, attentat de Djerba en Tunisie, arrestations au Maroc et en Mauritanie des groupes liés à Al Qaida… Le Maghreb est une cible tout indiquée des réseaux armés de l'intégrisme islamiste et des terroristes de tous poils qui se découvrent sur le tard des vertus de bons musulmans, barbe à l'appui et la gâchette pour dire leur grande estime de l'espèce humaine. Les groupes terroristes n'épargnent pas le Maghreb comme cible, mais aussi et surtout comme base arrière, comme lieu de repli et territoire d'organiser d'éventuelles attaques contre d'autres pays, notamment le Sud de l'Europe. Si au Maroc, les arrestations de l'été dernier contre les membres de la Salafia Al Jihadia et des Marocains et Saoudiens présumés liés à Al Qaida, et si après l'attentat meurtrier de Djerba en Tunisie, on n'entend plus parler d'actions de ces groupes, en Algérie la situation est catastrophique et personne ne sait plus qui tue qui et en vertu de quel dogme religieux. Les services de sécurité algériens ont mis à jour l'existence d'un réseau actif de l'organisation Al Qaïda dans la région. Abattu le 12 septembre dernier près de Merouana, dans la wilaya de Batna, le Yéménite Emad Abdelwahid Ahmed Alwan, dit Abou Mohamed, émissaire de Ben Laden auprès du chef salafiste Hassan Hattab, est arrivé en Algérie en juin 2001, et avait pour mission de superviser les capacités du GSPC (Groupe salafiste pour la prédiction et le combat) à même d'élargir son terrain d'action. Encore une fois la différence est patente entre les trois pays du Maghreb. Au Maroc et en Tunisie, la restructuration s'est manifestée autrement qu'en Algérie, en envoyant pour le premier des Saoudiens chargés de commettre des attentats et, pour le second, un kamikaze qui a fait exploser un camion-citerne bourré d'explosifs devant une synagogue à Djerba, parce que dans ces deux pays, il n'existe pas encore de groupes terroristes ayant atteint la structuration des organisations qui sévissent en Algérie, selon la presse algérienne elle-même. C'est l'apport des Afghans arabes qui fait justement la différence. Plus de 1 200 Algériens ont été enrôlés durant les années 1980, avec la complicité de certains chefs islamistes, par les Saoudiens et les Américains dans les troupes de Ben Laden et consorts. Combattre les Soviétiques ayant envahi l'Afghanistan n'a duré que le peu de temps qu'il fallait pour avoir une solide formation militaire et des idées de terroristes bien ancrées. Le retour en Algérie a ensanglanté davantage le pays. Deux directeurs de l'Institut de stratégie globale (ISG), Mohamed Boukhobza et Djilali Liabès, le secrétaire général de l'Union généale des travailleurs algériens (UGTA), Abdelhak Benhamouda, de Rabah Asselah, directeur de l'Ecole nationale des beaux-arts à Ali Mansouri, directeur de l'Ecole polytechnique d'architecture et d'urbanisme (EPAU), en passant par le recteur de l'Université des sciences et de la technologie d'Alger, Salah Djebaïli, du professeur Mahfoud Boussebsi au docteur Djillali Benkhenchir, du dramaturge Abdelkader Alloula au poète Tahar Djaout, des membres du Conseil consultatif national, Abdelhafid Sanhadri, El Hadi Flici, Miloud Bediar à Mohamed Fathallah, président de la Ligue des droits de l'Homme, ont tous laissé la vie, égorgés ou tués par balles islamistes. Sans oublier une centaine de 100 journalistes, un nombre considérable d'enseignants et des dizaines de milliers de citoyens démunis. C'est dire combien la menace intégriste est à prendre au sérieux et c'est dire aussi que les ramifications d'Al Qaida franchissent allègrement les frontières. D'autant plus que ce n'est pas le financement qui manque.