Une exposition de caricaturistes marocains et étrangers se poursuit jusqu'au 1er novembre à l'Institut français de Rabat. Alors que les étrangers associent le fond et la forme, les caricaturistes marocains privilégient le message et relèguent au second plan le graphisme. L'exposition est très intéressante, mais la qualité des exposants est inégale. Les caricaturistes étrangers maîtrisent la forme et le fond. Les Marocains ont parfois des idées lumineuses, mais le trait qui hausse la caricature au rang d'une expression plastique leur manque cruellement. Ils saisissent généralement l'idée dérangeante, provocatrice, mais ne sont pas de très habiles dessinateurs. Belaid et Rik ne possèdent pas ce trait corrosif qui identifie les grands caricaturistes. Ils ne semblent pas avoir conscience du fait que la caricature est un art éminemment graphique. Ils ont un trait mou, une ligne flasque, et pour tout dire : une mince maturité plastique. Pourtant les idées ne leur manquent pas. L'une des caricatures de Rik représente un spectateur marocain devant trois postes de télévision superposés les uns aux autres. Le premier écran n'enchante guère son spectateur. Bien plus, il le rembrunit. Et pour cause, il y est question d' “élections communales”. Le deuxième poste afflige également ce même spectateur, qui se compose une mine renfrognée. Motif de son mécontentement : “élections du personnel”. Le troisième sujet irradie le visage du spectateur : il y est question de “l'élection de Miss monde”. Le sujet de cette caricature comporte une opinion bien articulée, mais pour que le message soit percutant, il faut qu'il s'exacerbe sous les traits féroces de son auteur. Les maîtres du genre se prévalent d'une maîtrise du dessin. Ils sont artistes, indépendamment de la charge caustique inhérente à l'art de la caricature. Le peintre Honoré Daumier était peut-être le plus grand caricaturiste au 19e siècle. Il a su s'imposer grâce à la souplesse de son graphisme et à son sens des proportions. Les autres caricaturistes exposés à l'IF de Rabat possèdent également un trait au burin qui en fait de grands graphistes. Lorsque le Palestinien Naji peint des soldats israéliens avec un brassard, représentant l'étoile de David autour du bras, il ajoute au message l'art de le rendre incisif. Les Français Plantu et Nono ne sont plus à présenter. Les caricatures du premier paraissent à la Une du quotidien « Le Monde » et le second est l'une des valeurs sûres du journal « Le Télégramme ». Le moins connu des exposants n'est pas toutefois celui qui manque de talent. La découverte de la manifestation est à cet égard un caricaturiste algérien qui travaille dans « Le Matin d'Alger ». Le Hic (c'est ainsi qu'il signe) se distingue par un humour grinçant et une ligne sûre. Il est l'auteur de l'une des caricatures les mieux réussies de l'exposition. C'est une évocation satirique du 8 mars, date de la célébration de la journée mondiale de la femme. Le lendemain, c'est-à-dire le 9 mars, une femme entre dans la cuisine et la trouve dans un état de désordre effroyable. Les ustensiles de tous genres sont amassés pêle-mêle sur le levier. Des brigades de casseroles, des escadrons de plats, des corps d'armée entiers de couverts adressent, de concert, ce message d'amour à l'intéressée : « tu nous as manqué hier ! »