Avec trois coups de filet fructueux, Paris s'est félicité cette semaine de son efficacité en matière de lutte contre le terrorisme. Ces arrestations ont surtout montré l'importance des réseaux islamistes algériens en France. Sur les dix-neuf personnes arrêtées depuis vendredi dernier en France, une dizaine d'hommes sont de nationalité ou d'origine algérienne. Deux d'entre eux sont même considérés comme des «gros poissons» : Redouane Daoud, évadé le 5 juin 2002 de la prison de Breda, aux Pays-Bas, et Slimane Khalfaoui, un Franco-algérien considéré comme un élément « opérationnel » d'Al-Qaïda. Certes, les Algériens ne sont pas les seuls à tomber dans les filets respectifs de la DST et de la Division nationale anti-terroriste (DNAT) depuis une semaine dans la région parisienne. Mardi, sur les huit personnes interpellées dans le cadre de l'enquête franco-britannique sur le «shoe bomber» Richard Reid, six étaient pakistanaises. Elles auraient toutes fourni un réseau logistique au jeune britannique qui avait essayé de se faire exploser dans l'avion reliant Paris à Miami en décembre 2001. La veille, lundi, sur les six «islamistes présumés» arrêtés, tous étaient cependant algériens. Parmi eux, Slimane Khalfaoui, interpellé dans le cadre d'une enquête ouverte en 1995 sur les filières afghanes. Cet homme âgé de 27 ans avait un temps résidé en Allemagne où il faisait partie de la fameuse cellule de Francfort, soupçonnée d'avoir préparé des attentats à Strasbourg (nord-est de la France) fin 2000. Là encore, les policiers ont pu saisir «de la documentation à caractère islamiste liée à Al-Qaïda». Ce même Khalfaoui connaissait d'ailleurs un autre Algérien, Ahmed Ressam, arrêté en possession d'explosifs en décembre 1999 aux Etats-Unis, alors qu'il projeté de faire exploser l'aéroport de Los Angeles. Les deux hommes se seraient entraînés ensemble... dans les camps afghans. Vendredi et samedi, cinq autres hommes, avaient déjà été interpellés dans la capitale française et sa banlieue. Redouane Daoud, «le gros poisson», avait été incarcéré aux Pays-Bas le 24 avril, avec trois autres Algériens, pour «organisation islamiste extrémiste», raison pour laquelle il a de nouveau été arrêté en France. Selon le ministère français de l'intérieur, il est par ailleurs lié à l'assassinat, le 9 septembre 2001 en Afghanistan, du commandant Massoud. Lui et ses quatre complices sont actuellement soupçonnés d'avoir formé un réseau fournissant faux papiers, ressources, accueil et hébergement aux volontaires en partance pour le «jihad» ainsi qu'à ceux qui en revenaient afin qu'ils se fondent dans l'anonymat. Tous sont considérés comme proches du Groupe salafiste pour la prédication et le combat, le mouvement algérien dissident du GIA, créé en 1998 par Hassan Hattab, avec la bienveillance... d'Al-Qaïda. La nébuleuse, dont on découvre chaque semaine la multiplicité des tentacules, est officiellement présentée depuis lundi – jour où l'Algérie a annoncé l'élimination d'Abou Mohamed, le chef du réseau pour la région sahélo-maghrébine – comme la marraine du GSPC, dont elle a suivi la naissance puis l'évolution avant d'envoyer son propre émissaire sur les lieux en 2001. Selon le journaliste et écrivain Richard Lavebière, interrogé par le Matin algérien mercredi, il semble cependant que «les premiers liens entre les GIA et la nébuleuse Ben Laden remontent au début de l'année 1992 après l'arrêt du processus électoral». Suite au 11 septembre 2001 et au déclenchement de la guerre en Afghanistan, le milliardaire saoudien aurait ainsi voulu se servir du GSPC comme « nouvelle base d'appui » pour l'Europe et l'Afrique. Où en est désormais ce prétendu projet ? Que reste-t-il des cellules dites «dormantes» dont les éléments semblent encore passer d'un pays, voire d'un continent, à un autre sans être vraiment inquiétés ?