Depuis plusieurs mois, les appels à l'aide des ONG présentes dans le pays se sont multipliés: touchés de plein fouet par une sévère sécheresse, des centaines de milliers de Mauritaniens sont menacés de famine. Si elle a misé ces dernières années sur l'exploitation – encore à l'état de prospection – de ses ressources en pétrole, diamants, or, ou encore de son minerai de fer et de ses richesses halieutiques, la Mauritanie essuie actuellement de plein fouet une crise alimentaire aiguë. Ce constat est partagé par l'ensemble des organisations nationales et internationales présentes dans le pays: toutes estiment que plusieurs centaines de milliers de personnes sont actuellement menacées par la famine. Des mois de sécheresse, que les pluies torrentielles de janvier dernier n'ont pas réussi à faire oublier, ont eu raison de l'agriculture du pays, essentiellement basée sur l'irrigation. Le manque d'eau a aussi entraîné la disparition du bétail, déjà lourdement touché en janvier, sur une partie du Sahel, par les violentes précipitations - 100.000 bêtes avaient alors péri , et donc une importante hausse des prix sur les denrées de base comme la viande et le sorgho. Aujourd'hui, le Commissariat à la Sécurité alimentaire (CSA) mauritanien parle d'un million, sur une population de 2,7 millions d'habitants, de Mauritaniens «touchés à des degrés divers» par la sécheresse dans les zones rurales. Le Programme alimentaire mondial (PAM) avait déjà lancé un appel urgent en avril dernier, sollicitant 7,5 millions de dollars en faveur des 250.000 Mauritaniens les plus affectés. L'agence onusienne avait alors indiqué que la somme devait procurer 16 000 tonnes d'aide alimentaire, essentiellement des rations de riz, de fèves et d'huile végétale. Les régions les plus touchées sont – après le centre dans les années 1970-1980 – dans le sud : dans le Plateau d'Aleg, dans la vallée du fleuve Sénégal à l'ouest, et dans le sud des deux Hodhs. Dans la région d'Assaba, plus à l'est, 26,5% des habitants souffrent par exemple de sévère malnutrition et 41,5 % de malnutrition «modérée». Dans le district de Gorgol, à l'extrême sud, 16 % de la population est «sévèrement affectée» pour 31 % de mal nourrie à un degré moindre. Autant dire que les efforts du PAM ont été limités. Ce dernier envisage d'ailleurs de lancer une autre opération d'assistance en décembre prochain au profit de 420.000 personnes. Avec le retard et la faiblesse des pluies marquant l'hivernage (dès juillet), les agriculteurs mauritaniens n'ont en effet dans leur majorité pas pu semer. Certains d'entre eux ont même fui vers les villes, tout comme les éleveurs ont déplacé leurs troupeaux vers d'autres régions moins sinistrées. La situation est telle que les agences humanitaires, comme le Réseau du système d'alerte rapide sur la famine (FEWS Net) qui avait publié un rapport accablant en septembre, examinent actuellement des propositions visant à doubler de 26 à 52 les centres alimentaires créés avril 2002. Ces locaux, baptisés «Centres d'Alimentation Communautaire», avaient été établis par des agences de l'ONU et par des ONG dans le but de distribuer de la nourriture aux plus nécessiteux. Aujourd'hui, le gouvernement mauritanien espère que la communauté internationale répondra à l'appel qu'il a lancé il y a un mois pour obtenir une aide internationale. Il faut avouer que la situation est très critique : les spécialistes ont affirmé que la catastrophe annoncée surviendrait d'ici janvier ou février prochains. Quand les paysans et leurs animaux n'auront vraiment plus rien à manger. Car certains d'entre eux en sont déjà réduits à se nourrir de plantes sauvages, parfois nocives.