En proie à la terreur, malgré le calme, jugé précaire, qui y règne actuellement et une population soumise à l'arbitraire et aux pires exactions, la Côte d'Ivoire, un pays traumatisé et parsemé de charniers, est toujours, un champ de bataille dont l'une des victimes est la communauté marocaine. Un climat de terreur et une population prise en étau entre les différents groupes armés, et soumise à des exactions massives perpétrées tant dans la partie nord, sous contrôle des ex-rebelles des Forces nouvelles, qu'au sud sous souveraineté gouvernementale. Depuis le 19 septembre 2002, date de la « tentative de coup d'Etat », plusieurs points du territoire ivoirien sont en proie à une véritable terreur. Une terreur où l'implication de pays voisins de la Côte d'Ivoire est avérée, tant dans la mise à disposition de « fonds très importants» que « d'infrastructures militaires ou de bases d'entraînement». Pour les rebelles, les observateurs évoquent le soutien du Burkina, voire du Mali, tandis que pour les forces gouvernementales, il est question de la Guinée et de l'Angola. Les épisodes dramatiques qui ont jalonné le conflit ivoirien sont multiples. La liste d'exactions commises de part et d'autre, dont les civils sont les principales victimes, est très longue. Pour le camp présidentiel, « de nombreux témoignages et des sources concordantes ont porté à la connaissance de la commission l'existence en Côte d'Ivoire de groupes de militaires, de policiers, de gendarme ou de civils armés, souvent en uniforme, qui sont désignés pour des missions spéciales de tuer ou d'enlever des personnes gênantes pour le régime, ou soupçonnées d'être dangereuses. Ils peuvent agir le jour, mais ils agissent généralement la nuit, malgré les barrières et les barrages, les contrôles militaires et le couvre-feu », indique un rapport onusien sur la question ivoirienne. Les Forces armées nationales ivoiriennes (Fanci) sont également épinglées pour le massacre, notamment, de « 120 travailleurs immigrés en service dans les plantations de café et de cacao de la région » de Monoko-Zohi, vers le 2 décembre 2002. Les rebelles sont eux aussi responsables de tueries massives. Le massacre de Bouaké, le 6 octobre 2002, s'inscrit ainsi dans une véritable chasse à l'homme opérée lors de la prise de contrôle du nord du pays. Les dissensions au sein de la rébellion, en juin 2004, se sont soldées par des exécutions, accompagnées de tortures. Trois charniers avaient été découverts le 26 juin de la même année. Les morts seraient entre 200 et 500. Cette violence est renforcée par le recours systématique à des mercenaires et des enfants soldats, ce qui accentue la vulnérabilité des populations. La torture et le viol sont massivement pratiqués dans les deux camps, et ce sont évidemment les femmes, et les fillettes, qui paient le plus lourd tribut à cause de ce chaos ivoirien. Dans l'insupportable catalogue dressé par l'ONU des crimes et sévices perpétrés, le registre de la torture sexuelle est décliné dans toutes ses horreurs. « De chaque côté des belligérants, les femmes ont été utilisées pour assouvir des appétits bestiaux des combattants ». « La violence contre les femmes n'est pas encore perçue comme un crime grave en Côte d'Ivoire », précise le document. La dérive ivoirienne n'a certes pas atteint le niveau de violence des guerres civiles libérienne et sierraleonaise des années 90. Mais le conflit ivoirien a eu lieu sous les yeux de milliers de soldats mandatés par le Conseil de sécurité. Présents sur place, soit au titre de l'opération française Licorne, soit de la mission de l'Organisation des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci), et disposant d'un mandat et de moyens, ils auraient donc été les témoins impuissants des faits. La communauté marocaine, dont certains éléments sont en Côte d'Ivoire depuis plus de quarante ans, est, elle aussi, fortement touchée par l'étendue de ce conflit. Une communauté qui s'est vue obligée de prendre le chemin du retour. Trois avions militaires ont rapatrié récemment quelque 210 Marocains d'Abidjan, capitale économique de la Côte d'Ivoire. Les Marocains d'Abidjan ont, à leur tour, essuyé les répliques de la rage anti-Blanc, dont la principale victime a été la communauté française, forment installée en Côte d'Ivoire. Comptant plus d'un millier de ressortissants, mais restée très minoritaire parmi les étrangers qui représentent près du quart des 17 millions d'habitants de Côte d'Ivoire, la communauté marocaine a, jusque-là, été prospère, bénéficiant de l'excellence des relations entre les deux pays. Mais depuis l'ivoirité, depuis Gbagbo, tout a changé.