Par sa composition et la procédure ayant prévalu dans les négociations concernant le choix de ses membres, le gouvernement de M. Jettou s'est exposé aux critiques, avant même la tenue de son premier conseil. Une fois de plus, les concepts de majorité et de minorité deviennent obsolètes et presque vides de toute substance réelle. Faute de nuance entre les familles politiques (gauche /droite /centre) qui le composent, le gouvernement de Driss jettou échappe à toute classification théorique et empêche d'apporter un jugement de valeur serein à son égard. Pour le secrétaire général de l'Union constitutionnel (UC), Mohamed Abied, la composition du gouvernement importe peu et encore moins la distribution des tâches entre ses membres. Bien entendu, cette indifférence est voulue et s'explique. M. Abied ne cache désormais pas son amertume. « Nous nous attendions, dit-il, à un gouvernement homogène et fort à même de réaliser la relance économique et sociale. Mais au vu de sa composition hétéroclite, nous ne pouvons que douter de son efficacité, et c'est vraiment dommage.» Et le secrétaire général de l'UC d'ajouter : « Ce qui m'inquiète c'est que l'on ne sait pas s'il faudrait encore attendre des années de plus avant de surmonter les obstacles de la transition consensuelle », car, après de vaines batailles «rien n'a changé», conclut-il. Ce gouvernement aurait pu être constitué sans attendre les élections. De son côté, Messaoudi Ayachi du Parti du progrès et du socialisme (PPS), estime, dans le même élan de désolation, que personne n'est totalement satisfait et que le gouvernement ne saurait être à l'abri des critiques. «Nous avons, dit-il, 10 technocrates qui disposent de postes de très grande responsabilité». Et d'ajouter avec plus de précisions que « les influences extra-partisanes ont énormément joué dans les procédures de nomination et que personne n'ignore que certains ministres ont été retenus sous l'influence d'affinités personnelles ». A cela s'ajoute le déficit de la légitimité démocratique dans la mesure où la part des élus est faible au niveau du gouvernement et que des personnes, qui n'ont pas pu acquérir un siège au Parlement - c'est-à-dire qui ont été rejetées par leur circonscription ou n'ayant même pas bénéficié de l'aval de leur formation partisane pour se présenter aux élections - se retrouvent, maintenant, au gouvernement. Nous avons un ministre sans porte-feuille : il est dedans sans y être. Pour ce qui est des attentes, il y a lieu de rappeler que le faible taux de participation aux élections montre que les Marocains commencent à se désintéresser de l'action politique partisane, d'où la nécessité pour l'actuel gouvernement de rétablir la confiance en les institutions élues et la gestion de la chose publique. En ce qui concerne les programmes, il faut reconnaître que les objectifs définis par S.M. le Roi, notamment en ce qui concerne l'emploi, l'habitat, la lutte contre l'analphabétisme, la mise à niveau du tissu économique et l'encouragement de l'investissement, sont difficiles à atteindre. En outre, force est de constater, fait t-il remarquer, que la grogne monte dans les rangs des partis en raison des lacunes ayant caractérisé la procédure de nomination des ministres. Bref, contrairement au gouvernement « Youssoufi », qui était défendable sur le plan politique et qui bénéficiait d'une légitimité historique, l'Exécutif actuel n'aura à se prévaloir que de son travail et de ses acquis sur le terrain. Tout porte à croire qu'il va être sévèrement jugé.