Entretien avec Anouar Benazzouz, directeur général de l'ADM ALM : Autoroute du Maroc place l'adaptation de l'infrastructure et des moyens de transport au changement climatique au cœur des débats de la COP. Comment protégez-vous l'infrastructure contre les vulnérabilités du climat ? Anouar Benazzouz : L'infrastructure routière est très exposée aux aléas climatiques. D'où la nécessité de développer des projets résilients qui par défaut protègent contre le changement du climat. Autoroute du Maroc (ADM) a développé une méthode de construction des autoroutes sur la base d'un compactage à sec qui permet de préserver des milliards de litres d'eau. Pour ce qui est érosion et glissement de terrain nous avons identifié, sur les 1.800 km du réseau, une zone à risque de 380 km où il faut mettre des moyens d'observation pour nous indiquer le risque un petit peu à l'avance et nous permettre de protéger à la fois la sécurité et la vie des usagers. Nous profitons de notre participation à la COP pour voir de près les expériences des autres pays. Nous sommes conscients que tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui, d'autres pays ont fait le nécessaire pour les contourner. Pourriez-vous énumérer les projets que vous menez dans ce sens ? Ce sont des projets innovateurs dont une bonne partie est actuellement opérationnelle. ADM a jusque-là planté 1 million d'arbres sur le réseau, en l'occurrence l'arganier et le chêne-liège. Cette plantation réduit l'impact carbone . Avec le temps et le développement des voitures électriques, l'ADM va mettre en place l'infrastructure pour la recharge électrique. Ainsi, chaque aire de repos doit être équipée en recharge. Nous opérons avec les partenaires de manière à ce que l'autoroute en soi devient une autoroute intelligente. S'agissant de la stabilisation du sol, nous collaborons de concert avec l'Institut national de recherches agronomiques (INRA) pour mettre en place une méthode visant à stabiliser le sol avec des plantes autochtones. Cette action préserve à la fois l'environnement et génère un revenu pour les communautés riveraines de l'autoroute. Par ailleurs, nous avons compté 3 millions de tonnes de déchets sur notre réseau. A cet effet, nous sommes en train de créer un écosystème autour de déchet, commençant par le tri et la sélection. Les déchets collectés seront, par la suite, recyclés. Nous avons également placé sur quelques axes de notre réseau des panneaux photovoltaïques qui nous permettent de générer de l'électricité pour nos besoins. Nous ambitionnons d'arriver à remplir, à long terme, tous les besoins de l'autoroute en énergie par des énergies renouvelables. Quelles sont les spécificités de ces projets ? La principale caractéristique de ces projets est ce lien qui existe entre l'optimisation de coût et la préservation de ressource. A titre d'exemple, nous comptons 1.500 km de talus à stabiliser. Si l'on procède par la méthode classique (béton), la stabilisation coûtait 150 dirhams le mètre carré. Cependant, la stabilisation par plantes autochtones coûterait seulement 15 dirhams le mètre carré, sachant qu'on parle ici de milliers d"hectares. De plus ces projets ont un impact socio-économique important. Ils génèrent des revenus aux agriculteurs mitoyen à l'axe autoroutier. Il est utile que nous avons commencé ce process depuis deux ans. Les méthodes engagées ont démontré de leur pertinence. Nous étions appuyé par la coopération allemande et d'autres départements publics notamment le ministère de l'agriculture et de la pêche maritime avec lequel nous avons signé une convention pour que le projet de plantation d'arbres fasse partie du Plan Maroc Vert. Quel est le coût engagé par ADM dans le déploiement de cette vision d'adaptation ? On ne peut se prononcer sur un chiffre particulier, car pour adapter l'infrastructure autoroutière aux changements climatiques il faut un investissement continu. Plus le climat change nous devons nous adapter. Donc nous devons être vigilants et toujours à l'affût de ce qui se passe. Compte tenu de la taille du réseau, nous avons besoin d'un financement important. Nous étudions avec les bailleurs de fonds la possibilité de nous accompagner pour accélérer la dynamique engagée. Vous avez récemment initié une campagne d'affichage sur le réseau. Quel est l'impact de cette action de sensibilisation aux changements climatiques? L'impact était très positif et les gens ont beaucoup apprécié. Le réseau connaît le passage de 312.000 véhicules au quotidien. Si l'on compte 2,5 passagers par véhicule, nos affichages auraient touché 700.000 personnes par jour. La sensibilisation a un impact extraordinaire. Nous ne sommes qu'au démarrage. Nous sommes en train de tester afin de monter en puissance. Qu'en est-il du volet formation ? Ce qui compte pour nous, c'est de documenter notre savoir-faire et de le partager à l'international. Nous avons voulu que cette expérience qui a été faite par des ingénieurs marocains soit transcrite. C'est dans cette optique que nous avons écrit 7 livres déjà sur cet aspect . De même, nous avons créé ADM académie où nous avons formé plus de 300 ingénieurs et agents dans les métiers de l'autoroute et communication. Nous allons ouvrir cette académie aux pays africains pour former les générations futures. Justement , où en êtes-vous de la coopération africaine ? Nous partageons notre savoir-faire en matière d'adaptation aux changements climatiques avec les pays africains parce que nous avons presque la même problématique. Le Maroc a fait preuve d'un grand leadership dans le domaine. Nous avons réussi à construire un réseau autoroutier de 1.800 km très compétitif sur le plan coût sans qu'on ait une manne de pétrole derrière. C'est unique comme modèle. Beaucoup de pays veulent le transcrire et nous sommes content de partager avec eux notre expérience.