Entretien avec Saïd Mouline, directeur général de l'Aderee et membre du comité de pilotage de la COP22 ALM : La COP22 sera l'occasion d'avancer dans les engagements pris à Paris. Sommes-nous prêts ? Saïd Mouline : Bien sûr. Cette COP sera en terre africaine et de nouveau à Marrakech après la COP7 en 2001. La COP22 débutera alors que l'Accord de Paris est entré en vigueur. En effet, suite à la mobilisation des diplomaties française et marocaine depuis Paris, le seuil minimum de 55 pays ayant ratifié le texte et représentant 55% des émissions de gaz à effet de serre ayant été dépassé il y a peu. Adopté par 195 pays lors de la COP21, cet accord vise à limiter la hausse de la température mondiale en dessous des 2°C. Marrakech sera donc le point de départ de la mise en œuvre des décisions prises à Paris. Dans cette perspective, ce sera aussi la COP de la mobilisation des moyens de mise en œuvre et du renforcement de l'action. Les points importants à Marrakech, outre l'aspect mesure et vérification des engagements, sont l'adaptation, le renforcement de capacité, le transfert de technologie et la finance climat. Comment allez-vous marquer votre participation à la COP22 ? Notre continent a très peu bénéficié des mesures d'accompagnement avec le protocole de Kyoto (moins de 4% des projets) alors qu'il est celui qui est le moins responsable des changements climatiques et qui en souffre le plus. Nous avons, malgré tout, des expériences réussies en Afrique dans les domaines d'atténuation (énergie) et d'adaptation (eau, agriculture, lutte contre la désertification,...). Il faut le faire savoir et notre pays est engagé pour cela. Il y a aussi de l'innovation avec des start-up africaines qui vont être mises en avant et une mobilisation avec le patronat marocain, la CGEM, du secteur privé du Sud, qui doit lui aussi profiter pleinement de cette nouvelle économie verte. Les projets réussis dans le cadre de partenariats public-privé vont aussi être mis en avant. Peut-on avoir une présentation desdifférentes actions en matière du développement durable et d'efficacité énergétique ? Dans notre pays, bien avant la COP22, dès 2009, lors des Assises de l'énergie, la lettre royale a donné la priorité aux énergies renouvelables et à l'efficacité énergétique dans la politique énergétique. L'objectif à l'horizon 2030 est pour les énergies renouvelables d'atteindre 52% de la capacité électrique, et pour l'efficacité énergétique c'est une réduction de 20% par rapport à un scénario «business as usual». L'expérience marocaine montre qu'avec une bonne politique, des pays avec des gisements solaires et éoliens importants, la compétitivité des énergies renouvelables est déjà acquise surtout quand la subvention aux énergies fossiles est stoppée. Les stratégies solaire et éolienne marocaines (institutions dédiées, visibilité donnée aux investisseurs, appels d'offres transparents, partenariat public-privé) ont permis d'attirer des dizaines d'investisseurs et d'obtenir des prix exceptionnellement bas tout en développant une industrie locale. Donc ce sont surtout la gouvernance et le renforcement des capacités qui sont nécessaires pour laisser le secteur privé développer et financer des projets d'énergies renouvelables. Quid de l'efficacité énergétique ? L'autre axe de la transition énergétique concerne l'efficacité énergétique. C'est malheureusement le parent pauvre. Moins visible, car il s'agit d'accompagner des politiques et non des projets «visibles» comme peuvent être les centrales solaires ou éoliennes, il a cependant autant d'impact sur les économies et sur l'environnement. L'Agence internationale de l'énergie et ses Etats membres ont défini l'efficacité énergétique comme étant l'option la plus rapide et la moins coûteuse pour faire face aux problèmes de sécurité énergétique et aux défis économiques et environnementaux. Lors des COP, seules les énergies renouvelables sont mises en avant lors des débats sur l'atténuation alors que de bonnes politiques d'efficacité énergétique ont autant d'impact, sinon plus, sur les émissions de gaz à effet de serre. L'Agence marocaine pour l'efficacité énergétique (AMEE, ex-ADEREE) est chargée de promouvoir l'efficacité énergétique dans plusieurs secteurs cibles (transport, bâtiment, industrie, agriculture et éclairage public). Il s'agit de mettre en place de nouvelles mesures réglementaires, des financements dédiés, mais aussi des projets pilotes, de la formation et de la sensibilisation. Lors de la COP, nous avons la volonté de mettre en place une initiative internationale de l'efficacité énergétique à l'instar de celles dédiées aux énergies renouvelables. Enfin, les politiques énergétiques devront aussi être cohérentes, car pour promouvoir l'efficacité énergétique il faut arrêter les subventions aux énergies fossiles et plutôt accompagner les couches sociales les plus défavorisées à s'équiper de technologies moins énergivores mais souvent plus chères en investissement. Quelles retombées attendues de la COP22 sur notre pays ? Bien entendu, il y a les retombées touristiques avec les dizaines de milliers de participants. Mais c'est surtout cette politique de transition énergétique, d'agriculture durable et de projets d'adaptation (gestion de l'eau, lutte contre la désertification, ...) et des réalisations concrétisées dans notre pays qui vont être détaillées au monde entier. Notre secteur privé va montrer son savoir-faire et notre dynamique société civile va aussi trouver là un moyen important pour sa visibilité et son développement. Les défis après la COP ? Garder la mobilisation et la sensibilisation après la rencontre de Marrakech pour que nos concitoyens ne voient plus cette problématique environnementale comme un problème mineur et non prioritaire mais une solution pour notre développement et une opportunité d'emploi pour les jeunes.