Nour-Eddine Saïl, vice-président du Festival international du film de Marrakech (FIFM), directeur général du centre cinématographique Marocain (CCM), vit sa passion du cinéma avec le talent du professionnel et la conviction profonde que le FIFM s'est engagé de respecter dans une dynamique qui le situe d'emblée dans la diversité, la rigueur et la découverte. Entretien. ALM : La nouvelle équipe du FIFM a succédé à une équipe qui a le mérite d'avoir construit un festival de dimension international. N'avez-vous pas l'impression de vivre, cette semaine, une sorte d'examen ? Nour-Eddine Saïl : Non (sourire), je n'ai pas l'impression de vivre un examen, ni moi ni d'ailleurs Faical Laraichi ou aucun autre membre du Comité d'organisation. Vous savez, tous les Festivals cinématographiques du monde finissent par se ressembler. Pour nous, l'enjeu consiste justement, à valoriser davantage les acquis des trois éditions précédentes, non en éliminant ou en ajoutant mais en élaguant, en renforçant et en imprimant davantage une rigueur que ce soit par rapport au choix des films, de la composition du jury ou en recentrant plus sur le cinéma lui-même. Alors justement, le terme de rigueur semble être la clé qui ouvre tous les tiroirs de la nouvelle formule du Festival international du film de Marrakech. Concrètement, comment cette rigueur adhère-t-elle au nouveau concept et à sa philosophie ? C'est vrai que l'ambition de Melita Toscan de Plantier, de Fayçal Laraichi, de Bruno Barde et la mienne depuis que nous présidons aux destinées du FIFM est d'en faire un festival qui se distingue par une grande rigueur. D'abord au niveau des choix des films en compétition. Comment ? En élargissant l'ère géographique à d'autres continents, à d'autres cultures et civilisations : de l'Amérique latine, avec des pays comme le Chili, l'Argentine ou encore le Brésil; en passant par la Chine, la Corée ou Hong Kong. Dans le même ordre d'idées, nous souhaitons diversifier et renforcer la présence des cinémas arabe, africain et européen. La même chose aussi avec le cinéma indou qui est une réalité du Festival de Marrakech, mais qu'il fallait aussi mieux asseoir et mieux consolider. Disons que c'est là une manière de montrer, à Marrakech, un cinéma autre que le cinéma américain, non par exclusion mais simplement parce que le choix s'est fixé sur le cinéma du monde. Un cinéma du monde qui participe de la volonté d'ouverture et d'échange entre les cultures. Et au niveau de la composition du jury ? La composition du jury participe du même souci. Nous avons travaillé patiemment et rigoureusement au niveau du choix des membres qui allaient constituer le jury de cette édition. Une fois que nous étions d'accord sur un profil, Melita engageait les contacts sachant que nous la soutenions. Le résultat est là. C'est extraordinaire d'avoir pour président d'un jury riche de la diversité de ses cultures, un grand réalisateur de la qualité de Sir Alan Parker. Nous en sommes extrêmement fière. Nous sommes aussi très tristes que l'état de santé du critique du cinéma égyptien, Samir Farid, l'ait empêché d'être parmi le jury. L'autre élément que vous souligniez concerne le fait de recentrer davantage le festival sur le cinéma. Comment? Là, il s'agit en fait de la volonté de résoudre l'équation la plus dure qui puisse traverser un festival : faire en sorte que ce festival puisse contribuer à la découverte de nouveaux talents dans une programmation qui inclut les plus grands noms du cinéma mondial et les talents reconnus et affirmés. Faire, par exemple, coexister dans le même mouvement le premier film d'un jeune réalisateur chinois ou marocain avec un film d'un réalisateur aussi confirmé, aussi talentueux qu'Ousmane Sembene. C'est un beau défi. À partir de là, on travaillera pour faire de ce festival, entre autres, un festival de la découverte de nouveaux talents. Une idée qui prend forme actuellement, mais qui pourra, dans l'avenir, distinguer le Festival de Marrakech de tous les autres festivals. Nour-Eddine Sail, tout cela nécessite de gros moyens. La fondation du festival est-elle à l'aise financièrement ? Le budget est-il à la hauteur de l'ambition de l'équipe d'organisation ? Oui. À la fin du festival, il y aura une rubrique-recettes et une rubrique-dépenses et l'on pourra à ce moment-là faire le point. Mais sur ce plan-là, Fayçal Laraichi et moi-même, sommes décidés à renforcer le partenariat avec tous les partenaires qui travaillent avec nous, les impliquer plus et faire en sorte que le festival bénéficie d'un meilleur soutien. Nous avons commencé à réfléchir et nous avons des idées dans ce sens. Il y a aussi un autre point fort de cette édition, c'est cette belle idée qui a séduit tous les festivaliers et qui est la télévision du festival... C'est une idée que nous avons discutée, moi et Fayçal et qui a effectivement le mérite de créer cette télé, et ce pour informer et permettre aux Marrakechis de vivre en direct le festival. Un festival comme celui de Cannes à sa télé qui marche bien durant la période de l'événement. Le concept mis en place pour le Festival de Marrakech plaît d'autant plus que l'équipe de TVM fait de l'excellent travail, de l'avis de tous. Nour-Eddine Saïl, c'est vrai que nous sommes à 4 jours à peine du lancement de l'édition du FIFM, mais avez-vous une idée de ce qu'il faudra faire pour les éditions à venir, améliorer, changer ou réguler ? Je crois que c'est vraiment trop tôt pour esquisser un bilan même partiel. Maintenant un festival n'est pas quelque chose de statique, qui se momifie et qui se fige dans une formule. Évidemment qu'il y a des choses qu'il faudra reprendre et toute une réflexion qu'il faudra mener à partir de l'expérience de cette année. Je suis personnellement pour les dynamiques qui impulsent vers l'avant.