Alain Rousset, président du Conseil régional de l'Aquitaine, évalue la coopération entre sa région et celle de Souss Massa Drâa, notamment dans le secteur agricole. Il estime que pour faire face aux défis de la mondialisation, il faudrait accorder la priorété à la qualité des produits. Entretien. Aujourd'hui Le Maroc : Quel bilan faites-vous de la coopération entre la région de l'Aquitaine et celle de Souss Massa Drâa ? Alain Rousset : C'est un bilan extrêmement positif pour trois raisons. La première est qu'en un temps très court, puisque la prise de contact a commencé il y a à peine trois années, un peu à l'initiative de la région de Souss Massa Drâa, la coopération entre les deux régions est actuellement forte et concrète. La deuxième raison est en rapport avec la haute teneur des débats et des échanges qui ont toujours existé entre les responsables des deux régions, à l'image d'ailleurs de ceux que nous avons eus lors du Forum économique. Comme preuve: le partenariat. Nous sommes donc au cœur d'une démarche économique très professionnelle. Enfin, l'excellence de ce partenariat nous ouvre des perspectives pour aller au-delà des discussions lors de ces deux journées. Il n'est un secret pour personne qu'il serait un suicide pour une région quelconque de développer toute son économie sur un seul secteur. La diversification est donc une obligation. Il y a dans le domaine du tourisme, du développement industriel, des nouvelles technologies, de la recherche et des échanges d'étudiants et thésards, des perspectives ouvertes extrêmement fortes. En plus, la culture francophone nous unit, nous fait gagner beaucoup de temps et d'efforts et nous permet d'aller immédiatement à l'essentiel. Lors du Forum économique des deux régions, il a été question d'une nouvelle vision du développement du secteur agricole. Qu'en est-il au juste ? Pour une région comme Souss Massa Drâa qui s'est engagée sur un haut niveau de production dans de grandes exploitations, les interprofessions agricoles doivent mieux s'organiser, que ce soit au Maroc ou en Aquitaine. Un effort est également à faire en ce qui concerne l'agro-environnement, c'est-à-dire la relation entre l'agriculture et l'environnement, le sol notamment. Il est en outre nécessaire de réfléchir aussi sur ce que la mondialisation, qui un peu inquiète et attire, ne fasse pas oublier les marchés de proximité. Il reste aussi à développer les aspects de recherche et d'expérimentation. L'Aquitaine est la région française qui a beaucoup avancé dans ce domaine-là, et les échanges qu'il pourrait y avoir à ce sujet seraient très fructueux. Concrètement, quel pourrait être l'apport de la région de l'Aquitaine ? La région de l'Aquitaine peut apporter d'abord son engineering en matière de la requalification de l'agriculture, des méthodes modernes de production de sous-serre, de la conduite des vergers, des formes de traitement nouvelles. Nous mettons ainsi les résultats de notre recherche à la dispososition des agriculteurs et chercheurs marocains. La région de Souss Massa Drâa pourrait profiter de l'expérience de notre région qui a développé un savoir-faire en ce qui concerne la mise en marché et la commercialisation des produits agricoles. D'autre part, la région marocaine a également des points à faire valoir qui nous intéressent beaucoup, essentiellement en matière de packaging des produits. J'ai eu l'occasion de voir certains procédés lors de cette visite et je vous assure que dans ce côté-là, nous avons beaucoup de choses à apprendre. C'est un véritable partenariat gagnant-gagnant. Il est vrai que la France est aujourd'hui plus attentive à son environnement, parce que toutes les terres sont occupées. Notre pays est également très attentif à ce que l'agriculture élève le niveau de vie de ses citoyens à travers la transformation sur place de ses produits. Mais j'estime que la région Souss Massa Drâa est un modèle en la matière. Qu'en est-il des défis de la mondialisation auxquels les deux agricultures doivent faire face? N'ayons pas de peur particulière en ce qui concerne ce sujet. Pensons simplement que nous avons une bataille commune à mener qui tourne autour des produits de qualité et ce qu'on appelle le commerce équitable. Pour qu'une économie agricole développe l'économie tout court, il faut que les produits soient payés à juste prix, qu'une partie soit transformée sur les lieux mêmes de production, que la qualité de ces produits soit exceptionnelle et que, globalement, nous pourrions peser au sein d'organisme internationaux, l'OMC par exemple. Tout ceci pour éviter que mondialisation et globalisation ne se traduisent pas par une baisse de qualité des fruits et légumes en l'occurrence, délocalisations systématiques pour des raisons de salaire plus bas. Bref, pour faire face à ces défis, il faudrait investir dans la valeur ajoutée, c'est-à-dire la qualité et la sécurité alimentaires, le goût du produit, la relation entre l'aliment et la santé. C'est ce qui fera demain le succès de nos agricultures.