Vols point à point, programmation en période d'hiver, prix du package... La reconquête du marché russe a bien démarré cette année 2016. Signature de conventions, renforcement du volet aérien, organisation d'un méga-éductour et lancement d'une campagne de communication en Russie. Les attentes se sont multipliées au vu des efforts consentis pour se positionner sur la destination, la situation géopolitique des destinations concurrentes (Turquie, Egypte et Tunisie) aidant à offrir de meilleures opportunités au Maroc et à la destination Agadir en particulier. L'objectif d'atteindre 200.000 touristes russes à l'horizon 2018 et 70.000 au cours de l'année 2016 a atteint 50% puisque le Maroc a reçu un flux de 35.000 touristes russes. Et à quelques mois de l'échéance 2016, la destination a eu droit à un Forum maroco-russe, et ce le 15 septembre dernier à Agadir. Une délégation composée de représentants des deux tour-opérateurs Anex Tour et Coral Travel, des agences de voyages de MICE et du représentant de l'ONMT Russie, a pris part aux travaux du Forum tout en effectuant un séjour s'étalant jusqu'au 18 septembre à la ville d'Agadir. Un panel dédié au tourisme a été au rendez-vous lors de ce Forum et qui a constitué un moment de vérité et de rencontre avec les professionnels de la ville pour un diagnostic des demandes des deux parties et des forces et faiblesses à prendre en considération pour un meilleur repositionnement. Retour sur une question épineuse. Pour le directeur de l'ONMT, Abderrafie Zouiten, la stratégie de positionnement de la destination Maroc ne repose pas sur un tourisme de masse mais sur un tourisme de qualité. Un avis loin d'être partagé par les deux représentants des deux TO (Coral Travel et Anex Travel) qui programment aujourd'hui la destination marocaine. «Pendant le forum le représentant du tourisme marocain a dit que le Maroc n'est pas intéressé par un tourisme de masse mais nous ne sommes pas d'accord puisque le touriste moyen peut faire bouger la destination», souligne à ALM Rashad Bunyadov, chef du département de la planification stratégique d'Anex Tour. Argument appuyé par des chiffres. «La tranche d'âge des touristes qui choisissent aujourd'hui la destination va de 20 à 45 ans. C'est une clientèle qui opte pour le balnéaire et achète des excursions sur place. Si les séjours demandés ont été d'une durée de 10 à 11 jours ces derniers temps, la durée de séjour a diminué pour arriver à 7 ou 8 jours, conséquence de la crise. Par ailleurs, nos analyses de la tendance des hébergements montrent que 60% des touristes russes choisissent les hôtels quatre étoiles, 30% choisissent les trois étoiles et 10% les cinq étoiles. Alors que 10% seulement est une clientèle de luxe. Le profil intéressé par la destination est plutôt une classe moyenne et des personnes âgées pour qui le voyage est offert et payé par les enfants ou membres de la famille», explique Anton Abramov, chef du département tours MICE, FIT et VIP de Coral Travel. Mais qu'est-ce qui empêche aujourd'hui la destination Agadir d'avoir un meilleur positionnement ? La réponse semble être partagée et par les professionnels russes et leurs homologues d'Agadir. L'aérien est, à ce jour, la première entrave qui affaiblit l'offre de la destination. «Nous sommes convaincus que la mise en place par notre compagnie nationale de vols réguliers point à point peut être le premier support de la promotion d'Agadir. Nous insistons et demandons à la RAM de mettre en place une ligne Moscou-Agadir directe sans escale à Casablanca», déclare le vice-président du Conseil régional du tourisme de Souss-Massa, Chafik Mahfoud, dans le cadre des recommandations des professionnels de la destination, lors du panel. Même son de cloche de la part des représentants des deux TO russes. «Un tourisme de qualité ne peut passer que par des vols réguliers et directs. Et si le Maroc veut avoir cette image de destination de luxe il faudra mettre en place des vols réguliers et sans escale entre Moscou et Saint-Pétersbourg/Agadir avec des business class tout au long de l'année. Une clientèle de luxe n'opte pas pour des vols charters. Le handicap d'une programmation en période d'hiver découle de ce même constat», livre à ALM le représentant de Coral Travel. Le volet aérien étant la première pierre angulaire de ce repositionnement, une autre donne pourra constituer dans le futur un bon point en faveur de la destination dans le ciblage de la clientèle de luxe. «La destination de Taghazout pourrait faire office de produit de luxe pour la clientèle russe sauf que le produit accuse beaucoup de retard dans sa livraison», déplore le responsable de Coral Travel. Certes, la destination a de grandes potentialités, mais l'idéal recherché par les professionnels de la ville est loin d'être réalisé. La programmation en période d'hiver est le cheval de bataille des professionnels. «Les professionnels d'Agadir sont disposés, même à partir de la semaine prochaine, à partir avec des décideurs de l'ONMT pour contacter directement nos partenaires russes et les pousser à développer leurs flux vers Agadir. Nous sommes prêts à revoir les prix et signer des contrats sur trois et cinq ans mais notre demande est de programmer la destination pendant l'hiver. Nous avons fait un effort colossal pour maintenir les programmations de ce marché durant la période d'été mais notre objectif est de remonter le flux en période d'hiver», assure le vice-président du CRT. Du côté russe, la programmation de vols directs et réguliers est la première action qui peut assurer un positionnement de la destination tout au long de l'année. Et il est déjà très risqué pour un TO de programmer des vols charters puisque cela demande de bien étudier la demande avant d'injecter de l'argent dans la mise en place des vols vers une destination. Retour à un autre élément qui est le prix du package. Les professionnels de la destination sont prêts à revoir les prix à condition d'avoir une programmation assurée pendant la période d'hiver. Sur ce volet, le prix répondant à la bourse de la clientèle russe de classe moyenne est à revoir. Selon le responsable du TO Anex Tour, «si on prend les pays de l'Afrique du Nord, le Maroc reste la destination la plus chère en comparaison avec la Tunisie et l'Egypte. Les professionnels de la destination ont promis de travailler sur ce point. Le prix moyen pour le touriste russe en hiver est de 18 à 20 dollars par nuitée, pour une personne, en quatre étoiles et en all inclusive». Aujourd'hui, le seuil des 100.000 à 200.000 touristes russes est à la portée de la destination marocaine, selon le DG de l'ONMT, et des partenariats à moyen terme seront développés avec le marché russe. Par ailleurs, le Maroc ambitionne également d'augmenter sa capacité en lits avec 200.000 lits supplémentaires dans les cinq années à venir.