«La semaine du film européen», qui se poursuit jusqu'au 21 octobre à Rabat et jusqu'au 23 à Casablanca, attire un très large public. Les longs-métrages de cette édition se caractérisent par leur grande qualité. Ils opposent aux affirmations de la science l'intervention du miracle. Le public ne s'y trompe pas. Il reconnaît les manifestations culturelles de qualité. Et ceux qui se plaignent régulièrement du peu de public qui se déplace dans les salles de spectacle devraient faire un tour du côté du théâtre Mohammed V à Rabat. Ils seront surpris par le nombre de personnes qui remplissent tous les soirs cette salle. Un public de tous les âges : des jeunes, des moins jeunes, des enfants, des familles, tous ont soif de qualité. Tous ne rechignent pas un seul instant à payer 10 DH pour regarder un film ou à débourser 30 DH pour se procurer un pass leur permettant de regarder la totalité des longs-métrages programmés. D'ailleurs, cette manifestation que l'on doit à la Délégation de la Commission européenne et les ambassades des Etats membres ne se limite pas seulement à Rabat. Elle concerne également Casablanca, Meknès et Tétouan. Elle dure à Casablanca jusqu'au 23 octobre. Les projections ont lieu tous les soirs au théâtre de la F.O.L. Le public se déplace massivement, parce que cette manifestation lui donne l'occasion de regarder des films que l'on voit rarement dans les salles. Des films récents et primés dans de prestigieux festivals. Un constat s'impose après la projection des trois premiers long-métrages. Le cinéma européen croit aux miracles. Trois réalisateurs semblent s'être concertés pour sauver la mise, dans un monde de plus en plus avare en merveilleux, par l'intervention d'un miracle. D'abord le film danois «Italian for beginners», réalisé par Lone Scherfig. Ce film, qui a remporté l'Ours d'argent au festival de Berlin, met en scène la vie particulière de six protagonistes dans une banlieue froide de Copenhague. Deux sœurs qui s'ignorent s'occupent respectivement de leur mère et de leur père séparés. La mère est alcoolique, le père impotent et grincheux. Les deux sœurs vont se reconnaître à l'occasion des funérailles de la mère. L'une est servante dans une boulangerie, l'autre coiffeuse. La première est extrêmement maladroite, la deuxième terriblement esseulée. La maladroite va trouver une écoute inespérée en un jeune pasteur, lui-même très affectée par la mort de sa jeune épouse. L'esseulée va croiser le chemin d'un ex-joueur de foot, très arrogant. Ils se rencontrent tous chez un réceptionniste quinquagénaire, anxieux à l'idée d'être impuissant. Ce dernier s'amourache d'une jeune italienne. Les six personnes souffrent de la mal-vie. Dans les premières séquences du film, les mouvements répétés et affolés de la caméra sont à l'image de la psychologie de ces personnages. Au fil des événements, la réalisatrice va opter pour des plans-séquences lents comme pour montrer l'apaisement des personnages. Le miracle de cet apaisement va s'opérer dans une salle où ils décident d'apprendre l'italien. Cette langue va les mener à entreprendre un voyage à Venise où les couples vont se nouer. Autre film, autre miracle, mais cette fois-ci encore plus radical dans «Un jour d'août», le film grec de Constantine Giannaris. Sous un soleil torride, les habitants d'un immeuble partent en voyage. Chacun d'eux cherche quelque chose. Une jeune fille est atteinte d'un cancer généralisé. Les médecins ne lui donnaient pas plus de six mois pour vivre. Ses parents recourent dans un ultime geste d'espoir à un saint. Le miracle se produit et la fille guérit. Quant au film le plus attendu peut-être de ce festival, «Parler avec elle», de Pedro Almodovar, il constitue l'aboutissement de toutes les œuvres antérieures du cinéaste espagnol. Il ressemble à un film de fin de carrière, tellement tout Almodovar y est. Son amour pour le monde de la tauromachie, pour la musique et le chant, sa fascination pour les hémiplégiques et les histoires d'amour impossibles. Benigno, un jeune infirmier, tombe éperdument amoureux d'une danseuse qu'il regarde évoluer de la fenêtre de son appartement. La danseuse en question est renversée par une voiture et entre dans un coma profond. Un coma auquel les médecins la condamnent à vie. Benigno est l'infirmier qui va la soigner, lui parler, pendant quatre ans. Elle est inerte, mais l'infirmier ne vit que pour elle, regarde les spectacles qu'elle aime et l'entretient de ce qu'il voit. Sa passion va l'entraîner à coucher avec elle. Benigno, prisonnier pour viol, va prendre des barbituriques pour rejoindre celle qu'il aime dans son coma. Il en meurt, mais l'objet de sa passion va se réveiller, miraculeusement, grâce au dévouement de celui qui n'est plus. Les trois films opposent à leur manière un démenti au langage scientifiquement glacial de à la suprématie croissante de la médecine dans la vie de tous les jours.