La particularité des soldes d'été c'est qu'ils peuvent vite devenir des soldes d'hiver, ou plutôt des «soldes de demi-saison», rassure une vendeuse. Ce mélange d'articles d'hiver et d'été présent dans certaines enseignes est justifié par son caractère de rentabilité. En pleine saison estivale, les étiquettes colorées signalant les soldes foisonnent chez les magasins casablancais. C'est une pratique très répandue qui consiste à écouler de manière accélérée les collections en vente avec des réductions de prix variables. En principe deux fois par an, l'opération commerciale se déroule généralement au Maroc durant deux mois : en janvier-février (soldes d'hiver) et trois autres en juin-juillet-août (soldes d'été). L'objectif est d'éviter les invendus avant l'arrivée des nouvelles marchandises des collections prochaines. Dès le premier jour d'été, certaines enseignes ornent leurs vitrines de paillettes, rubans colorés, allant jusqu'à accrocher des affiches avec des chiffres barrés présentant un panel de pourcentage. Tandis que d'autres ne lancent les soldes qu'à partir du 5 juin pour les arrêter le 20 août. Ce «décalage au niveau du lancement des soldes à Casablanca est dû à l'absence d'une règlementation», nous a confié Alia, gérante d'un magasin de vêtements pour homme au cœur du quartier El Maârif. Alia déplore l'inexistence d'une harmonisation des dates des soldes au niveau de la métropole économique, chose qui peut porter préjudice au marché du prêt- à-porter marocain. Dans ce contexte dénué de toutes restrictions, les magasins se retrouvent confrontés à une concurrence et rude, a dénoncé Alia ajoutant que cette situation s'est aggravée suite à l'arrivée des grandes franchises internationales. Hormis cette concurrence accrue, la situation peut présenter des avantages, nous a révélé Ghizlane, responsable de vente dans un magasin de vêtements pour enfants. «Nous avons la même période des soldes, mais nous ne respectons pas les mêmes dates», a-t-elle affirmé. Chaque magasin est libre de choisir ses propres dates «selon le niveau du stock», a-t-elle expliqué ajoutant que «lorsque le stock est light, c'est-à-dire avec peu d'articles, nous débutons les soldes à la même date que les autres, alors que si le stock est plein nous nous organisons indépendamment des autres». Lorsque nous l'avons interrogée au sujet de la réglementation des soldes, la commerçante ignore la présence d'éventuelles conditions concernant les produits soldés et a assuré que ce vide juridique n'entraîne «aucun problème» et aucune complication lors des opérations de vente durant cette période de l'année. Cette réponse nous a amenés à nous demander : Comment les commerçants peuvent-ils tirer profit de cette anarchie ? D'après Alia, qui détient son enseigne de vêtements pour homme depuis plus de 23 ans, «si le marché des soldes était bien réglementé, on aurait tous les mêmes chances de vente. La raison est simple, lorsque nous recevons la nouvelle collection de la saison, certains magasins commencent immédiatement à vendre cette collection à prix bradés». En sortant du lot, ces commerçants visent ainsi à attirer un nombre important de clients qui ne seront pas obligés d'attendre la période des soldes. D'autres scénarios sont possibles, «Nous avons repéré des magasins affichant des soldes ou une liquidation totale toute l'année», a-t-elle averti. Outre ces dysfonctionnements, les articles affichant des réductions sont déterminés par rapport à l'intérêt propre du vendeur. De ce fait, certains magasins profitent de la période des soldes pour liquider tous leurs fonds de boutique, mettant notamment sur les rayons tous les stocks invendus des saisons précédentes. C'est Ghizlane qui nous a confirmé à demi-mot cette pratique. La marchandise vendue est départagée «en articles vivants et articles morts». Les articles morts regroupent les invendus qui sont difficiles à liquider «subissent généralement les plus hauts rabais, soit 70% et plus». Les «vivants», quant à eux, «marchent bien», a-t-elle dit en utilisant le jargon commercial, «ils connaissent généralement des réductions de 10, 20 ou 30%». Dans le magasin spécial enfant de Ghizlane, nous avons remarqué la présence de blousons soldés à 50%, alors que nous sommes au cœur du mois de juillet. Pour que les consommateurs achètent cet article durant une saison inappropriée, la vendeuse nous a confié qu'une démarche est entreprise «pour convaincre des clients potentiels : on va leur dire : achetez-le, c'est pour la rentrée scolaire». La particularité des soldes d'été c'est qu'ils peuvent vite devenir des soldes d'hiver, ou plutôt des «soldes de demi-saison», rassure-t-elle. Ce mélange d'articles d'hiver et d'été présent dans certaines enseignes est justifié par son caractère de rentabilité, car pour l'ensemble des commerçants interrogés, les meilleurs soldes de l'année correspondent à ceux d'hiver. En effet, les articles vendus tels que les manteaux sont plus chers que les t-shirts, donc en termes de rentabilité c'est plus avantageux, explique-t-elle. Dans un milieu où il n'y a pas de réglementation, la situation peut porter préjudice à certains mais aussi faire le bonheur des autres. Dans le secteur du commerce, Ghizlane et Alia souhaitent que les périodes des soldes soient encadrées et réglementées. Raniya El Meknassi (Journaliste stagiaire)