Driss Lachgar, membre du bureau politique de l'USFP et président de son groupe parlementaire à la Chambre des Représentants dénonce les “élus nomades”. ALM : Les tiraillements entre l'USFP et l'Istiqlal ont repris à l'occasion de l'élection des membres du Bureau du Parlement et des présidents des commissions. Quelle est votre position à ce sujet ? Driss Lachgar : L'Istiqlal avance qu'il est le parti qui dispose du plus grand nombre d'élus, soit 52 membres. Mais, à notre avis, ce fait n'est pas nouveau. Cette formation disposait auparavant de 53 députés, avant le départ du hadj Miloud Chaâbi. Cela dit, la question ne se rapporte pas à la conférence des présidents des groupes parlementaires, dans la mesure où il s'agit d'une décision de la Chambre. Car, au début de cette législature, nous avons présenté un projet pour limiter les effets du phénomène de la transhumance des élus, notamment en appelant à ne tenir en compte dans la classification politique des partis que les résultats annoncés officiellement à l'issue des élections. Cette décision implique l'octroi du parti ayant le plus de voix la première place en ce qui concerne la prise de la parole au sein de la Chambre et de lui doter de l'avantage d'être le premier à choisir la présidence de la commission qui lui convient. Les autres partis viennent ensuite et leur place est déterminée en fonction du nombre de leurs députés. Or, pour changer cette procédure qui a été adoptée, il aurait été convenable de la faire passer à travers la voie légale normale, c'est-à-dire via la commission des législations et la séance plénière. Est-ce que vous ne voyez pas que cette question a trait à un problème de fond qui touche au cœur la démocratie et concerne le nomadisme partisan dans notre pays ? En effet, il n'y a pas de démocratie sans démocrates. Durant cette année législative, il y a des députés qui ont changé plus d'une couleur politique. Un d'entre eux est à la quatrième « appartenance » partisane. Personnellement, cela me dégoûte de voir certains élus qui n'arrêtent pas de changer leur appartenance partisane. Ils ne ressentent aucun respect vis-à-vis de notre institution, ni à l'égard des citoyens. Jusqu'à nos jours, il n'y a pas de textes de lois qui freinent ce phénomène. Pourquoi, donc, ce vide réglementaire et juridique? Il est indéniable que c'est la pratique qui dévoile les vraies intentions des uns et des autres. Or, ce qui se passe n'est pas seulement une affaire strictement limitée aux partis politiques. En tant qu'acteur politique engagé, il est de mon devoir de m'interroger sur l'existence réelle d'une opinion publique dans notre pays. Le silence de cette « opinion publique » constitue, à mes yeux, une sorte de complicité à l'égard de ce qui se produit au niveau des élections. Pourquoi il n'y a jamais eu de mouvement de protestation à ce niveau, soit par le port de brassard, l'observation de sit-in ou l'organisation d'une campagne contre la dépravation et ces gens qui changent de couleur selon les circonstances. Le cas récent de l'Espagne concernant deux députés, qui ont failli à leurs engagements politiques, doit nous inciter à revoir notre action. Car, plus personne n'est immunisée contre ce fléau. Qu'en est-il de la loi sur les partis? Maintenant que le processus électoral aboutit à sa fin, et que la trêve est annoncée entre les différentes formations partisanes, on est en droit d'attendre du gouvernement de nous présenter un projet de loi sur les partis politiques. Bien entendu, ce projet pourra constituer une occasion supplémentaire pour démontrer la fragilité de la majorité gouvernementale. Il est donc attendu que des divergences vont se manifester à ce niveau. Mais, contrairement au passé, on doit cette fois-ci faire appel à la logique démocratique et mettre fin aux « préoccupations» consensuelles qui ont prévalu jusqu'à présent. Dans le même ordre d'idées, il est de notre devoir d'étudier les expériences démocratiques, pour en tirer les conclusions. Dans quel sens ? Dans le sens de la démocratisation interne des partis et de leur transparence. Car, nous devons œuvrer dans le sens de la défense des partis authentiques et de permettre à l'opinion publique de distinguer les différentes formations partisanes. Dans la grille des « partis authentiques », est-ce que vous incluez le Parti de la justice et du développement ? Le PJD est un parti qui existe dans la réalité. Et il ne faudrait pas s'étonner de voir l'USFP se rencontrer avec lui sur certains points. Quelles sont alors vos prochaines éheances ? Nous devons nous pencher sur la loi des partis politiques , le règlement interne du Parlement, l'amélioration des lois électorales et l'examen sérieux de la question de l'utilité de la deuxième Chambre du Parlement.