Mohamed Ben Amour, Président du groupe hôtelier KTH/KTI et de la Fédération du tourisme au sein de la CGEM, nous confie dans cet entretien ses attentes par rapport au prochain gouvernement. Il espère que les élections législatives dégagent une majorité cohérente et homogène. ALM : Quels sont à votre avis les grands axes sur lesquels le prochain Exécutif doit axer son intervention sur le plan économique? Mohamed Ben Amour : Avant d'entrer dans le vif du sujet, il y a lieu d'abord de relever que le Maroc s'achemine progressivement vers la consolidation de la démocratisation de ses institutions politiques. Le Royaume est l'un des rares pays du monde arabe et d'Afrique à avoir accompli des pas remarquables dans ce domaine. Qui dit démocratisation, dit automatiquement, la mise en œuvre d'une politique économique liée à la croissance et au bien-être des citoyens. On s'épanouit dans un cadre juridique et politique et institutionnel qui garantit la liberté d'expression. Mais il y a aussi la liberté d'entreprendre qui, elle, est garantie par la Constitution. L'Etat, avec l'ensemble de ses institutions, doit être le catalyseur, l'incitateur, le régulateur et le promoteur d'une vision. Celle-ci doit s'inscrire sur le long terme à travers une planification rigoureuse, une conception d'une économie libérale qui prend en compte des spécificités du pays, mais aussi des engagements conclus avec l'Union européenne et l'OMC. Ces engagements supposent une mise à niveau de l'économie. C'est cette mise à niveau qui doit constituer l'action du prochain gouvernement. Il faudrait que le futur exécutif fasse des choix. Mais, concrètement, qu'attendez-vous des prochaines élections législatives ? Ce qu'il faut espérer, c'est que ces élections législatives dégagent une majorité cohérente et homogène qui se doit de développer une même vision de l'avenir. L'ambition du pays se résume avant tout à la croissance économique. En d'autres termes, il s'agit d'élever le niveau de la population dans tous les domaines, à savoir l'habitat, la santé, l'éducation et l'emploi. Il faut également accorder une attention particulière au monde rural qui constitue la moitié de notre population. Cela constitue le cadre général de cette vision. L'objectif étant d'atteindre un taux de croissance économique de 8% annuellement. Pour l'heure, le Maroc crée120 000 emplois par an, alors que la demande s'élève 350 000. Cela ne peut se faire sans la consolidation de la culture des contrats-programmes. En abordant les élections, j'estime que le pays a fortement besoin d'un Premier ministre dynamique ayant un profil économiste. Un Premier ministre dynamique, pensez-vous à quelqu'un en particulier ? Honnêtement, je ne pense pas à quelqu'un de précis. Je parle beaucoup plus de modèles. Je fais allusion à des personnes qui ont le sens de la responsabilité. Cela dépend de la capacité des partis politiques à présenter des candidats jeunes et rigoureux pour assumer leurs responsabilités au sein du prochain gouvernement. Les opérateurs économiques parlent de plus en plus de mise à niveau. Mais force est de constater que le Maroc a perdu beaucoup de temps, alors que l'échéance de l'instauration de la zone de libre-échange avec l'Europe approche… La mise à niveau implique plusieurs choses. Sa mise en œuvre dépend de la réforme de l'administration et celle du système financier. Pour l'heure, ce dernier ne répond pas aux aspirations des entreprises. Notre système bancaire est certes structuré, mais il reste toujours rentier. Celui-ci doit s'adapter à la nouvelle conjoncture. Avec la présence de plusieurs enseignes internationales, je crois que ce système va s'acheminer vers une autre direction. Aujourd'hui, on nous demande beaucoup de choses en même temps: absorption du chômage, croissance économique… Si l'Union européenne et l'OMC nous imposent des défis d'ici 2010, elles ne nous apportent une aide réelle. Tenez par exemple : l'Espagne bénéficie d'une enveloppe 10 milliards de dollars de subventions dans le cadre des fonds structurels. Pour le cas du Maroc, force est de constater que les mesures du programme Meda ne se sont pas encore traduites concrètement sur le terrain. Toujours en matière de mise à niveau, pensez-vous que le prochain gouvernement doit consolider la culture des contrats-programmes? Bien évidemment. Dans un pays comme le nôtre, les contrats-programmes permettent d'identifier des secteurs à forte valeur permettant la création de plusieurs milliers d'emplois en un temps record. Au sein de la CGEM, nous nous sommes rendu compte que le tourisme figure en tête de liste de ces secteurs. Mais il n'est pas seul. On peut citer à ce propos, les nouvelles technologies de l'information et de la communication, le bâtiment et l'environnement. Ces derniers doivent bénéficier de l'appui des pouvoirs publics. La concrétisation des mesures prévues dans chaque contrat-programme dépend du suivi. Quel pouvez-vous nous dire sur le bilan économique du gouvernement Youssoufi? Sincèrement, je pense que ce gouvernement a assumé à un moment crucial la transition démocratique du pays. La mission n'a pas toujours été facile. Ceci étant, il a y lieu d'envisager une refonte de l'économie à travers une nouvelle politique fiscale. Le traitement de la dette doit également être revu. La CGEM a présenté dernièrement un mémorandum qui contient plusieurs mesures pour promouvoir l'économie nationale. Quel est son impact auprès des partis politiques en lice ? La Confédération Générale des Entreprises du Maroc a adressé ce document auprès de l'ensemble des partis politiques. Celui-ci a soulevé un intérêt certain. Ce mémorandum résume les attentes du milieu des affaires. Notre rôle en tant qu'association est de favoriser un climat d'investissement, quelle que soit la nature du gouvernement.