P.o. Critiqué par le Fatah, le Premier ministre palestinien a fait pression sur les siens en menaçant de démissionner. Ecartée mercredi, cette décision aurait largement remis en cause la poursuite du processus de paix avec Israël. Trop conciliant envers l'Etat hébreu, c'est en résumé ce que les dirigeants du Fatah, dont Mahmoud Abbas est l'un des membres-fondateurs, reproche au Premier ministre palestinien. Ce dernier, nommé par Yasser Arafat en mars dernier, est devenu le principal interlocuteur d'Israël et des Etats-Unis dans le cadre de l'application de «la feuille de route». Une position qui n'est pas pour plaire à tout le monde d'autant plus qu'elle a entraîné de facto la mise à l'écart du président de l'Autorité... Ce que souhaitaient le cabinet Sharon et l'administration Bush. Tout comme lors de la formation de son gouvernement, Mahmoud Abbas est ainsi soumis à de larges pressions internes et externes depuis sa prise de fonction officielle le 30 avril. Cet événement avait été suivi de la publication immédiate du plan de paix du Quartette (UE, ONU, Etats-Unis et Russie), marquant une première étape dans le retour au dialogue entre Palestiniens et Israéliens. Partisan de la démilitarisation de l'Intifada, Abou Mazen a très vite pris l'engagement risqué de faire déposer les armes aux groupes militants. D'abord réfractaires et très critiques à l'égard du Premier ministre, ces factions ont fini par décréter une trêve de trois mois le 29 juin. A leurs yeux comme à ceux de plusieurs personnalités du Fatah, ces douloureux efforts n'ont pas été suffisamment récompensés par l'Etat hébreu. En trois tête-à-tête, relayés par de nombreuses réunions inter-ministérielles, les chefs de gouvernement palestinien et israélien sont jusque-là parvenus à se mettre d'accord sur le retrait de l'armée du nord de la Bande de Ghaza, la prise de contrôle palestinien de l'axe routier reliant le sud et le nord du territoire, et l'évacuation de Beit Lahm et environs, en Cisjordanie. A aussi été décidée la libération de quelque 350 à 400 Palestiniens sur les plus de 6.000 détenus par Israël. Or, le Hamas comme le Djihad islamique ont conditionné leur cessez-le-feu – non reconnu par l'Etat hébreu – à la libération de tous les prisonniers. Dans les réclamations palestiniennes, figurent aussi le retrait total de l'armée des territoires qu'elle occupe depuis septembre 2000, le gel et le démantèlement des 160 colonies juives qui y sont implantées. Un peu plus d'un mois après le lancement de la «feuille de route», officialisé par le sommet d'Aqaba, qui avait réuni le 4 juin le président Bush, Ariel Sharon et Mahmoud Abbas, les avancées sont donc là mais elles sont jugées insuffisantes. Cette situation précaire a entraîné une montée des tensions. Des incidents, notamment l'attentat-suicide de Tel-Aviv lundi et l'arrestation de plusieurs dirigeants du Djihad islamique la semaine dernière, ont déjà affaibli la trêve. La crise que traverse actuellement l'Autorité palestinienne a aussi entraîné l'annulation de l'entretien prévu mercredi entre les Premiers ministres des deux camps. Pour autant, la question du départ d'Abou Mazen n'était plus mercredi à l'ordre du jour, le Comité central du Fatah et Yasser Arafat ayant refusé dès la veille sa démission du mouvement. Un «vote de confiance» qui a de quoi rassurer même si le Premier ministre est certainement conscient que d'autres crises viendront ponctuer sa difficile mission : parvenir à la création d'un Etat palestinien d'ici 2005.