Najia Boudali, enseignante universitaire à la faculté des Sciences de Ain Chock, directrice du Centre Fama, se dit satisfaite et fière du courage Royal pour la réforme de la Moudawana. Elle considère cependant que les portes des plaidoiries demeurent ouvertes. Entretien. ALM : Quelles sont vos appréciations à propos des réformes de la Moudawana, en votre qualité de militante pour la cause de la femme ? Najia Boudali : Je félicite le peuple, les familles et la femme Marocaine pour la belle et courageuse initiative Royale à propos d'un sujet qui a suscité, pour la première fois au Maroc, un débat d'envergure nationale et dont le vrai catalyseur n'était en vérité que M.Said Saâdi. L'intervention du Souverain est venue répondre aux attentes des différents mouvements qui militaient pour l'égalité des droits, et en particulier les droits attendus par les mouvements de la femme. Est-ce que la réforme a touché le fond ? Ou croyez-vous que c'est encore insuffisant ? Pour moi, quatre éléments clés concernant le processus démocratique ont marqué le discours royal en ce qui concerne le renforcement du processus démocratique. Le premier est relatif à la remise du projet pour adoption, devant le Parlement. Le second concerne la notion de l'égalité des époux pour la gestion du foyer conjugal. Cela va conduire le Maroc à annuler la réserve qu'il observait à l'égard de la ratification de la CEDAW (convention éliminatoire de toute forme de discrimination à l'égard des femmes). Troisièmement, la question de la tutelle que je considère comme une reconnaissance envers la femme pour renforcer son statut en tant que citoyenne à part entière. Et enfin, la critique claire et courageuse à l'égard de la politique partisane et la responsabilité des partis à l'issue des résultats des élections du 12 septembre 2003. Une critique très constructive dans la mesure où elle met en exergue le sens de la responsabilité affichée par les partis politiques et la grande différence entre leurs prétentions pour la promotion de la femme et la notion qu'ils donnent à sa participation dans la gestion de la chose publique. En conclusion et d'une façon globale, la réforme a touché le fond parce que je crois que la réforme de la Moudawana fait partie intégrante du processus démocratique amorcé par SM le Roi. Si la discrimination envers la femme persiste, cela équivaudrait à une démocratie amputée puisque la femme constitue 50 % de la société. La démocratie ne peut avoir lieu qu'avec la moitié de la société. Je tiens dans ce sens à signaler ma fierté du courage du Souverain. Considérez vous que la Moudawana dans sa nouvelle version correspond aux mutations qu'a connues la famille Marocaine ? Je pense que la famille Marocaine est très en avance par rapport aux lois de la Moudawana, même dans sa nouvelle version. La femme contribue beaucoup plus que l'on imagine dans la gestion de la famille. Selon des statistiques récentes, 20 % des familles marocaines sont totalement prises en charge par la femme. Et dans les 80% restants, elles contribuent plus ou moins à part égale dans cette même gestion. En un mot, la femme est absolument incontournable et dans la construction et dans la gestion des affaires de la famille. Cependant, il reste tout de même quelques éléments à clarifier, en particulier, les mesures adéquates pour la meilleure formulation possible des textes du nouveau code de la famille. J'espère que la suite sera également à la hauteur des attentes. Comment la formulation du texte de loi en relation avec la polygamie va-t-elle gérer la question de la confirmation du mariage (Touboute Azzawjia), par exemple ? Comment se fait-il que tous les antagonistes de la question de la femme (qu'ils soient pour ou contre la réforme) soient satisfaits ? Tout simplement parce que la raison a fini par l'emporter. Mais loin de toute politique politicienne, la réalité est que si on veut avancer, on avance tous ensemble. Tous les Marocains sont concernés. C'est déjà un succès à 90 %, mais la porte des plaidoiries, pour une meilleure égalité doit demeurer ouverte.