Membre des légendaires Lamchaheb, l'artiste Moulay Cherif Lamrani est décédé, mercredi à Rabat, à l'âge de 55 ans des suites d'une longue maladie. Il laisse derrière lui une vie remplie de rêves, de gloires et d'expériences musicales chaque fois renouvelées. A 55 ans, il aura été jusqu'au bout. De ses rêves, de ses recherches musicales mais aussi de ses déceptions. Il a connu bien de gloires, en solo comme en compagnie de son groupe de toujours, les légendaires Lemchaheb, mais aussi avec des groupes de renommée internationales avec lesquels il a mené des expériences uniques. C'était avant que la maladie et l'oubli n'aient raison de lui. Lui, c'est bien l'artiste Moulay Cherif Lamrani, membre fondateur de la troupe Lamchaheb décédé dans la matinée de mercredi à Rabat. Un décès qui vient mettre fin à une longue maladie qui le rongeait, mais aussi à une vie remplie et somme toute-heureuse. Il aura laissé derrière lui cette éternelle image de membre d'un groupe qui a brillé pendant des années tant par son accoutrement, de longues robes noires ornées de flammes rouge et or, que par tout un trésor musical dont il était un des principaux et plus jaloux gardiens. Moulay Cherif Lamrani nous laisse aussi le souvenir de ces belles années 70, où il a démarré une aventure qui était loin d'être gagnée d'avance. Et pour cause, la scène musicale populaire marocaine comptait déjà des troupes de légendes, les Nass El Ghiwane et les Jil Jilala qui brillaient de mille feux. Loin de vouloir imiter quiconque, les membres du groupe Lemchaheb s'étaient tracés leur propre voie. Le succès a bel et bien été au rendez-vous. Originaire de la banlieue de Casablanca, plus précisément de Hay Mohammadi qui a enfanté tant de mythes, Chérif et ses compagnons (Mbarek Chadili, Mohamed Sousdi, le regretté Mohamed Batma et sa femme Saïda Beirouk ), se seront produits dans les plus grandes salles marocaines et d'ailleurs, déplaçant à chaque fois des milliers de personnes et seront mobilisés pour les plus grandes causes telles celle de l'UNESCO. On lui doit non seulement un répertoire musical qui ne compte pas moins de 250 chansons, mais aussi une invention qui lui est propre : une sorte de «mandoline» qui combinait un instrument de musique indien et le luth arabe. Un instrument que Moulay Cherif n'a pas quitté durant plus de 35 ans et qui faisait office de véritable cachet musical de la troupe. Une troupe qui partageait les mêmes quêtes de ses prédécesseurs, à savoir la paix et le bien être pour tous, usant en cela d'une poésie sur fond de misère, dénonçant les atteintes, les misères et les régimes politiques qui sont le lot des pays arabes. Le groupe a su établir un véritable métissage culturel instrumental en électrifiant une partie de leurs instruments. C'était en grande partie grâce au Mandoline de Cherif qui, aujourd'hui encore, donne une dimension moderne que d'aucuns qualifient de pop-music à la marocaine. Le groupe Lemchaheb cherchait, dès le début, une voie propre à lui, car aussi bien Nass El Ghiwane que Jil Jilala avaient conquis un grand auditoire et jouissaient d'une grande notoriété artistique. Il fallait, donc, se trouver une place difficilement accessible car la qualité des paroles, rythmes et mélodies des pionniers ne laissait aucune chance au travail improvisé ou à la promotion hasardeuse", disait d'eux le professeur universitaire Abdelkrim Boufarra. Une volonté doublée d'une autre, celle de laisser chacun des membres de la troupe mener sa propre barque. C'est ainsi que Moulay Chérif Lamrini a enregistré quatre albums en solo ou avec des groupes qu'il a formés lui-même, aussi bien au Maroc (Malak), qu'en France ou en Tunisie. Une quête de nouvelles expériences qui l'a poussé, avec Chadili à collaborer avec le groupe allemand Dissidenten. Une collaboration fructueuse puisque leurs albums ont connu un grand succès au Canada et aux Etats-Unis. Cinq albums ont ouvert les portes au succès mondial de Dissidenten: Temptation, Sahara Electrik, Life at the pyramids, Out of this World et Live in New York et auxquels les deux artistes marocains ont pris part. Des succès qui ont donné suite à bien d'autres, réalisés depuis le tout début du groupe Lemchaheb en 1974. Vers la fin de cette décennie, des titres comme Khiala, Had ecchi mektoub, Dawini, Meddahou, Ya Chraa, Amana, Hop arrommane and Attaleb, faisaient déjà le tour du pays. A tel point que la troupe a constitué une véritable école. D'autres troupes ont tenté de suivre les mêmes pas que Lemchaheb : Siham, larsad, Wi'am…sans pour autant atteindre le même degré de sincérité que la troupe de Chérif.