Bachir Rachdi, ex-secrétaire général de Transparency Maroc estime, que la lutte contre la corruption s'avère plus difficile avec la résistance de lobbies opposés à la dynamique du changement. ALM : Quel commentaire faites-vous à l'issue du dernier rapport de Transparency International en ce qui concerne le nouveau classement du Maroc ? Bachir Rachdi : Je dirais que c'est un classement très inquiétant. Non seulement la position est très mauvaise, mais elle s'est dégradée. Ce qui signifie que la perception internationale par rapport à notre pays est de plus en plus négative. Le Maroc est devenu ainsi un pays considéré comme ravagé par la corruption. Et les conséquences d'une telle impression peuvent-être extrêmement graves. Une réputation qui ferait fuir les investisseurs, et qui entraînerait une perte de confiance parmi les instances internationales et ainsi de suite. Or, d'après la lecture du classement, vous pouvez constater qu'il existe des pays qui dépassent les 9 sur 10 !! Une note qui signifie que dans ces pays, la corruption est quasi inexistante ou presque. En tous les cas, la corruption y est très marginale, car à chaque fois qu'un cas se manifeste, il est sévèrement sanctionné. Ce qui n'est pas le cas dans les pays qui ont de mauvaises notes comme le Maroc. Certes, aucun pays du monde n'est à l'abri de ce fléau humain, mais le fait que cela soit aussi flagrant, c'est très grave. En plus, même par rapport à des pays au niveau de développement comparable avec le Maroc, nous sommes mal placés. La Tunisie est mieux classée que nous, quoique la corruption y existe. Jusqu'à quel point la corruption entrave-t-elle la lutte contre la pauvreté et le développement du pays de façon globale ? Par définition, la corruption est une gangrène qui vient à bout de toute tentative de développement. Avec la présence de la corruption, les moyens ne sont pas investis comme ils devraient l'être, que ce soit au niveau matériel ou au niveau humain. La corruption provoque une situation de grande paresse et de dysfonctionnements sur tous les plans. Rien ne marche plus normalement et les choses ne répondent plus à aucune logique. Une anarchie socioéconomique qui enfonce davantage le pays dans des problèmes insolubles. Visiblement, il est très difficile d'éradiquer complètement ce fléau, mais comment faire pour au moins y remédier et atteindre un niveau similaire aux pays bien notés par Transparency International ? Je vais être très simple. On va se limiter à la lecture de l'évolution du processus de la lutte contre la corruption à l'indice des rapports. En 2000, il y avait des instances qui suivaient de près l'engagement pris en vue de combattre la corruption. Un processus qui a commencé par la mise en place d'un plan d'action qui visait à atteindre des résultats au bout de six mois, puis à de moyens termes. Et puis subitement, l'on a remarqué un net recul dans ce sens. Il s'est avéré qu'il existe des intérêts à préserver contre tous les principes. Il existe surtout des groupes farouchement opposés à la démarche du changement et qui ont fait leur apparition. Une entrée avec force, puisque la volonté de lutter contre la corruption a connu une très nette régression. Par ailleurs, le fameux Comité national pour la lutte contre la corruption a été littéralement vidé de sa substance. Même son nom a été transformé en devenant la Commission de moralité de la vie publique. Plus encore, Transparency Maroc a proposé en mai 2004 une action organisée autour de trois axes composés de quinze points, qui permettent d'agir efficacement à moyen terme. Une stratégie nationale pour assurer un fonctionnement économique et administratif honnête. En vain.