Président de l'Association pour la commémoration du discours d'Ajdir (ACDA), organisatrice des Rencontres d'Ajdir (du 16 au 18 octobre à Rabat), Hassan Maaouni plaide pour davantage d'initiatives pour la promotion et le développement de la culture amazighe au Maroc et pour le respect par le gouvernement de ses engagements. Entretien. ALM : Quel bilan faites-vous des Rencontres d'Ajdir, dont vous êtes le président et qui en sont cette année à leur deuxième édition ? Hassan Maaouni : Tout d'abord, le principal objectif de cette série de manifestations n'est autre que de donner corps et perpétuer le discours d'Ajdir, prononcé par Sa Majesté Mohammed VI le 17 octobre 2002 à Khénifra. Un discours historique, édifiant, et qui constitue , non seulement un signe de renaissance culturelle de l'amazighité, mais également la preuve d'un changement de politique vis-à-vis de la question amazighe. Une preuve dont une des manifestations n'est autre que la création de l'IRCAM (Institut royal de la culture amazighe). Mais nous avons remarqué que peu d'acteurs ont donné suite à ce discours. Et c'est partant de ce constat que nous avons créé notre association, en août 2003. A travers les manifestations que nous organisons, regroupés dans le cadre des Rencontres d'Ajdir, nous participons à la fois à animer le débat autour de l'amazighité au Maroc et à célébrer une partie de notre identité en tant que Marocains. Cette année, et que ce soit au niveau de la conférence-débat à laquelle nous avons invité aussi bien des représentants de l'IRCAM, des militants de la société civile que des observateurs étrangers, ou bien les deux soirées artistiques au théâtre Mohammed V et à la Place Mohammed V de Rabat, et qui ont vu la participation de plusieurs artistes, chanteurs et poètes, le succès a été au rendez-vous. Quel regard portez-vous sur les efforts visant à mettre en valeur la culture et le patrimoine amazighs. Et comment jugez-vous l'action de l'IRCAM dans ce sens ? Si la volonté de donner toute son importance à l'amazighité est réelle, la démarche est peu ou pas professionnelle. Il appartient à l'IRCAM de transmettre les résultats de ses recherches aux départements ministériels concernés. Cet institut, qui dispose d'un conseil d'administration qui lui permet de travailler de manière professionnelle et efficiente, a, certes, conclu plusieurs accords, que ce soit avec le ministère de l'Education nationale ou avec les départements de la Communication et de la Culture. Mais encore faut-il que les engagements pris soient respectés et mis en œuvre. Ce qui n'est pas tout à fait le cas actuellement. Preuve en est l'introduction timide du tamazight dans le système éducatif. L'année dernière, il n'y avait pas de manuels. Cette année, on attend toujours que ces manuels arrivent. La formation des enseignants est quant à elle, médiocre. Ceci, pour la simple raison qu'elle se fait en l'espace de trois jours! Pis encore, on demande, comme c'était le cas à Agadir cette année, à un seul encadrant de former des groupes de deux cents enseignants. Quelle partie est à pointer du doigt, l'IRCAM ou le gouvernement ? L'IRCAM n'est pas censé appliquer, mais rechercher et trouver des formules. Il doit certes augmenter sa vitesse de production, mais c'est au gouvernement et auxministères concernés de prendre leurs responsabilités. Leur démarche reste trop timide. Il existe une certaine précipitation dans la prise de décision, doublée d'une lenteur d'exécution. Exemple en est la généralisation de l'enseignement de l'amazighe à l'horizon 2008. A-t-on les moyens de relever ce défi? Je crois qu'il faut se fixer des objectifs réalisables, dans les temps, et avec des moyens réels. Dans une conjoncture, nationale et internationale, marquée par l'impératif de l'ouverture, pensez-vous que la question amazighe est urgente? Cette question est on ne peut plus urgente. Il ne s'agit pas uniquement d'une langue, mais de toute une civilisation dont la langue n'est que le vecteur. Une civilisation qu'il ne faut pas uniquement sauvegarder, mais développer. Parce que en la sauvegardant, c'est tout un environnement que l'on sauvegarde. Un environnement social et culturel national dont la particularité et la richesse résident non pas dans l'uniformisme, mais dans la différenciation. L'amazighité est en partie ce qui nous différencie, en tant que marocains, des autres pays. Sachant que l'amazighité n'est pas propre uniquement au Maroc, quelle est justement sa particularité dans notre pays? Il existe certes des points de convergences entre les amazighs de toute l'Afrique du Nord. Mais notre particularité en tant que Marocains réside dans le sens où cette spécificité va vers l'union. Nous avons une monarchie qui unit tous les Marocains. Que l'on soit amazighs ou arabes, nous sommes d'abord Marocains. Et le jour où tous les Marocains parlerons à la fois arabe et tamazight, ce sera le jour où nous deviendrons des marocains complets et accomplis. Pour cela, nous agissons de manière sereine, décomplexée. Ce qui n'est pas le cas dans les autres pays maghrébins, où les amazighs se sentent minoritaires, exclus et opprimés. Nous n'avons pas ce genre de complexes.