Alors que les spéculations vont bon train sur la possibilité d'une attaque américaine contre l'Irak, la Jordanie et l'Iran ont affiché ce week-end leurs craintes face à un possible embrasement de la région. Dimanche, le Premier ministre jordanien était le dernier à s'exprimer sur la question irakienne suite aux dernières déclarations des chancelleries occidentales et arabes. Ali Abou Ragheb a appelé à une relance des pourparlers entre les Nations Unies et l'Irak quant au retour des inspecteurs en désarmement. Une question qui doit être conditionnée, selon lui, à une levée de l'embargo imposé à Baghdad depuis 1991. «Un dialogue entre l'ONU et l'Irak est nécessaire pour permettre le retour en Irak des inspecteurs pour s'assurer de l'absence d'armes de destruction massive» a-t-il déclaré, ajoutant que «si cela se confirme, il faut (donner) en contrepartie des garanties à l'Irak sur la levée de l'embargo». Une démarche qui, selon le Premier ministre jordanien, devrait éviter «à l'Irak et à la région les retombées négatives d'une attaque américaine». Malgré cette volonté d'apaisement, la Jordanie a cependant fait savoir qu'elle n'entendait pas s'impliquer davantage dans la crise irakienne, allant jusqu'à affirmer que «l'affaire concerne l'Irak et l'ONU et l'Irak et les Etats-Unis». Une position distante vis-à-vis du régime Saddam Hussein que Téhéran est pour sa part loin de partager. Selon le ministre iranien des Affaires étrangères Kamal Kharazi, il ne peut en effet y avoir de neutralité dans cette crise. «L'Iran a annoncé son opposition à une action unilatérale américaine», en Irak, a-t-il réaffirmé samedi, soulignant qu'il revenait au peuple irakien «qui a beaucoup souffert» de choisir ses propres dirigeants. Ferme, Téhéran a l'intention de le rester malgré la tiédeur de ses relations avec son voisin et sa position beaucoup plus équivoque lors du conflit de 1991. Il faut dire que, comme souligné par le ministre iranien de la Défense, les données ont aujourd'hui changé. «Le pays doit être plus vigilant», tant en raison «des menaces américaines et israéliennes à son encontre» que des conséquences éventuelles d'une frappe américaine en Irak, a rappelé dimanche le contre-amiral Ali Chamkhani. L'Iran, faut-il le rappeler, a été classé aux côtés de l'Irak et de la Corée du Nord dans l'«axe du mal» du président américain. Il est donc lui aussi soupçonné par l'Administration Bush de soutenir le terrorisme et de produire des armes de destruction massive. Ces accusations, Baghdad les a une nouvelles fois réfutées samedi, niant toute possession de missiles balistiques et toute existence de liens avec le réseau terroriste Al-Qaïda. «Je pense que nous sommes obligés d'avoir des missiles de courte portée. Nous ne pouvons atteindre Israël, et nous n'en n'avons pas l'intention», a déclaré l'ambassadeur irakien auprès de l'ONU, Mohammed Aldouri, sur la chaîne américaine CNN. «Je pense que les Etats-Unis savent mieux que quiconque que l'Irak n'a rien avoir avec les attaques terroristes (du 11 septembre), avec Al-Qaïda ou les Taliban», a-t-il ajouté, réaffirmant que son pays ne voulait pas d'une guerre avec les Etats-Unis. Reste que ces derniers se montrent toujours aussi déterminés à renverser le régime de Saddam Hussein. Une opération qui impliquerait l'occupation militaire de l'Irak, «des coûts politique, économique, et en vies humaines élevés» qui nécessitent la formation d'une coalition internationale, a relevé dimanche l'ex-diplomate américain James Baker dans les colonnes du New York Times.