Kenza, 17 ans, employée de maison, a subtilisé le sac à main de la fille de son employeuse à Mohammédia. Quand elle arrive dans sa ville natale, Azemmour, elle est accostée par un jeune qui la viole avant de la livrer à son ami. Février 2002. Kenza quitte sa ville natale, Azemmour, à destination de Mohammédia. C'est là qu'elle travaillera chez une famille comme employée de maison. Kenza n'a que dix-sept ans et pourtant, si elle n'était pas analphabète, elle aurait pu écrire un journal impressionnant. D'abord elle est issue d'une famille pauvre. Ses sept frères et sœurs sont tous des chômeurs. Parmi ses sœurs, certaines s'adonnent à la prostitution dans les maisons closes d'Azemmour. Les frères, la mère et le père ferment les yeux. Ils devaient avoir de quoi vivre. Sinon, qu'est-ce qu'ils feront dans une ville comme Azemmour où il n'y a que l'oisiveté ? Kenza, elle aussi, n'est jamais restée les mains croisées. Elle a toujours participé à « faire bouillir la marmite ». A son dixième printemps, elle est allée à Casablanca pour travailler dans une maison. Elle a appris la condition de « bonne ». Elle a su qu'elle était une personne sans droits qui doit répondre à beaucoup d'obligations à l'égard de tous ceux qui se trouvent à l'intérieur de la maison et qu'elle doit être la première à se réveiller et la dernière à s'endormir. Elle a travaillé chez pas moins de six familles, surtout à Casablanca. Cinq ans plus tard, elle n'a pu supporter de continuer à travailler comme bonne. C'est la corvée contre une somme dérisoire qui atterrit directement dans les poches des parents. Elle décide de retourner chez elle, de rester près de ses parents et ses frères et sœurs. Deux ou trois semaines plus tard, elle remarque que sa mère ne veut plus d'elle. « Qu'est-ce que tu feras à la maison sans travail ? Une bouche de plus qui se contente d'avaler du pain sans produire, c'est dur ma fille», lui reproche-t-elle d'un moment à l'autre. Mais la dernière fois, la langue de Kenza s'est déliée et elle a osé répondre fermement et avec nervosité: « Je vais me prostituer ». «C'est mieux que de rester les mains croisées, ma fille », lui lance sa mère, sans le moindre réplique. Kenza n'a pas hésité une seconde. Elle se maquille, s'habille outrageusement et va chez l'une des patronnes installées à la rue. C'est très facile pour une fille d'être accueillie par l'une d'elles. Kenza commence à draguer les chercheurs du plaisir à la rue Moulay Bouchaïb et dans les environs. Elle a appris à se soûler, à se droguer…Elle se trouve enfin avec une ancienneté de deux ans de prostitution. Qu'a-t-elle gagné durant ces deux années? Rien. Par contre, elle a tout perdu, même sa dignité. Elle n'a pu épargner le moindre sou lors de son parcours à travers les maisons closes d'Azemmour. « Il vaut mieux vendre sa force que de vendre sa chair », se dit-elle. Mais le jour où elle a décidé de faire ses adieux au plus vieux métier du monde, elle est arrêtée lors d'une campagne d'assainissement contre les prostituées et condamnée à un mois de prison ferme. Une fois relâchée, elle commence à chercher un job chez une famille. Une de ses voisines lui propose de travailler chez une famille à Mohammedia. Kenza accepte et se rend chez cette famille, qui est en fait composée d'un couple. Samedi 2 mars 2002. Kenza vient d'achever son deuxième mois chez ses employeurs. Ce jour-là, leur unique fille, mariée, vient de leur rendre visite et passer le week-end chez eux. Dans l'après-midi, elle sort pour faire un tour en ville. Kenza est seule avec son employeuse Zohra. Celle-ci s'est endormie. Le sac à main de la fille de Zohra attire la curiosité de Kenza. Elle l'ouvre sans attirer l'intention de son employeuse. Et elle reste bouche-bée. Six bagues en or, une montre et 1.500 dirhams sont dans le sac. Sa cupidité s'éveille, l'incite à voler. Son cœur bat la chamade. « Voler ou ne pas voler ? ». Elle décide de mettre la main sur le magot. Kenza quitte la maison de ses employeurs avec le sac à la main, et prend la direction de la station des grands taxis. Elle en emprunte un à destination d'Azemmour. Elle y arrive vers vingt heures. Une fois descendue du taxi, un garçon commence à la draguer. Il lui propose de la raccompagner jusqu'à chez elle. Elle accepte. Il s'appelle Saïd, 22 ans, marié et père d'un enfant. A mi-chemin, ils rencontrent son ami, Abdelilah, 20 ans, cordonnier. Ils arrivent derrière une station d'essence, juste près du Souk hebdomadaire. Saïd s'adresse à elle, lui fait des avances. Elle refuse. Il la frappe à coups de poings et de pieds. Quand elle tente de crier, il lui demande de se taire si non, il la tuerait. Elle obtempère et se livre à lui en pleurant. Abdelilah monte la garde. Une fois son viol commis, Saïd rentre chez lui, laissant Kenza entre les mains d'Abdelilah. Ce dernier lui demande de l'accompagner à El Jadida. Ils prennent un car pour y aller. Des policiers qui effectuaient une ronde routinière leur ont demandé leurs papiers. N'en ayant pas, ils sont conduits au commissariat. D'une question à l'autre, Kenza avoue avoir subtilisé le sac de la fille de son employeuse et déclare qu'elle a fait l'objet d'un viol. Elle attend actuellement son jugement avec Saïd et Abdelilah.