Le directeur technique national de judo, El Jamali El Arabi, est riche d'une expérience de quelque 40 années de pratique. Sur un ton très calme, l'homme s'insurge contre le dénigrement systématique de ses choix. ALM : À travers la presse nationale, certains vous reprochent de marginaliser des champions plus ou moins âgés. Qu'en pensez-vous ? El Jamali El Arabi : Au lieu de dire que des champions ont été marginalisés, je pense qu'il faut parler de judokas qui n'ont pas été retenus pour faire partie de l'équipe du Maroc pour défendre les couleurs nationales aux Championnats du Monde de judo à Osaka. J'aurais souhaité que la presse se rapproche de la Fédération pour connaître la vérité ou, du moins, l'information, pour la comparer avec la rumeur et relater les faits en évitant toute partialité. Je dirai avec force et insistance que je n'ai ni l'intérêt ni le droit de marginaliser quiconque, mais j'agis dans le cadre de mes attributions pour désigner, avec la collaboration des entraîneurs nationaux et la commission technique, les judokas qui représenteront le pays lors des différents événements. Les avis au niveau de la commission technique sont parfois partagés, nous essayons d'étudier cas par cas pour ne léser personne. Maintenant, je voudrais vous poser une question à mon tour : Est ce qu'il est permis à un athlète ou son entraîneur de faire un scandale, parce qu'il n'a pas été retenu pour participer à un événement ? Où sont les principes de la déontologie ? Qui fait quoi ? Vous parlez du respect qui doit être de rigueur, mais vous faites cependant allusion à la source des reproches qu'on vous a faits, qu'en est-il ? Effectivement, j'estime que tous les grands champions que le judo marocain a produits, et Dieu sait qu'ils sont nombreux, se sont toujours comportés avec discipline et respect du choix des entraîneurs nationaux. Le seul à se comporter de manière inacceptable, c'est Adil Belgaid, qui a dépassé de très loin ses limites et qui essaye de leurrer et tromper tout le monde en disant qu'il a été marginalisé et écarté. Non et Non, tout ce qui intéresse Belgaid c'est d'aller aux Jeux Olympiques d'Athènes 2004, chose qui est légitime mais qui n'est pas un droit. Belgaid a participé aux Jeux d'Atlanta (1996) et de Sydney (2000) où il a perdu à chaque fois au 1e tour. En 2001, il a enregistré une série de contre-performances : 3e aux Jeux de la Francophonie, aucune médaille aux Jeux Méditerranéens, 3e aux Championnats d'Afrique 2001. En 2002, Belgaid (33 ans) se fait battre aux Championnats du Maroc par Safouane Attaf (18 ans), qui confirme la même année en remportant les Championnats d'Afrique Juniors et en se classant 5e aux Championnats du Monde de judo Juniors en Corée, 3e aux Championnats d'Afrique Seniors 2002 et 5e au tournoi de Paris 2003. Peut-être traversait-il un passage à vide? Votre raisonnement est tout à fait logique et j'ai fait le même à l'époque, mais figurez-vous que l'année 2003, Belgaid perd encore une fois aux Championnats du Maroc face à Attaf. Là encore, il crie au scandale, incriminant cette fois-ci les arbitres. Enfin pour donner la preuve à tout le monde que Belgaid vend du vent à qui veut l'entendre, je pose cette question : Pourquoi Belgaid ne parle pas du tournoi de Tunis (qualificatif pour les Jeux Olympiques 2004) qui a eu lieu en mars 2003, où Attaf et surtout le champion d'Afrique en titre (2002), l'Algérien Boutabcha, étaient présents. C'était l'occasion de démonter qu'il était le meilleur et que c'était une erreur de ne pas lui avoir fait confiance en octobre 2002. Sachez que dans ce tournoi, Belgaid s'est fait battre encore une fois par Boutabcha et ensuite au combat pour la 3e place, il se fait battre par le tunisien Arous, alors que Attaf décroche la médaille de Bronze et des points pour améliorer son classement. C'est trop triste d'en venir là, j'ai toujours cherché à protéger nos athlètes, surtout dans les moments difficiles, mais Belgaid ne comprend pas que tant qu'il est combattant, il doit se comporter comme tel, en laissant au staff technique le soin de faire son travail et préparer la relève. On vous reproche, également, un excès de rigueur dans votre méthode de travail que certains interprètent comme un abus de pouvoir ? Abus de pouvoir ! Mais quel pouvoir ? Jusqu'à preuve du contraire, je crois que j'agis dans un cadre sportif amateur et ma mission principale c'est l'éducation d'une jeunesse saine, dans le but de contribuer à la construction d'une société saine. Au-delà de l'aspect sportif, le judo véhicule un certain nombre de valeurs surtout éducatives qu'il serait dommage de ne pas en saisir le sens. Vous savez, en France où le judo occupe une place de choix, la Fédération Française avait lancé il y a longtemps un message pour la promotion du judo ; je vous le livre sans commentaire mais je souhaite qu'on retienne le principe: «Confiez-nous vos enfants, avec le judo nous en ferons des hommes». Du haut de votre grande expérience, quels sont les critères de choix des représentants du judo national dans les manifestations d'ordre régional ou continental ? Pour tout vous dire, je ne peux pas prétendre posséder des critères propres à moi pour le choix des représentants du judo national. En revanche, dans ma vie, je ne fonctionne pas avec une vision limitée, j'essaye toujours de gérer la thèse et l'antithèse pour aboutir à une synthèse, qui est le dépassement de la thèse et l'antithèse, et déboucher sur une position nouvelle enrichie par l'apport des différences. L'analyse permet, en s'appuyant sur une connaissance du passé, de mieux saisir le présent. Je préfère par exemple, entre deux judokas qui se valent, ayant 19ans et 34 ans, que l'on donne la chance au plus jeune pour renforcer son expérience et assurer la relève. Le choix de nos représentants est lié à la progression de leurs performances qui ne se limiteraient pas seulement au titre national, nous travaillons et à chaque fois nous établissons un bilan pour faire des évaluations en tenant compte des différents paramètres.