Même si les temps ont changé et que l'espace des libertés et de la démocratie s'est nettement élargi, les contestataires de la transition continuent à être nombreux. Ils sont en majorité le fruit des circonstances qui ont caractérisé les décennies 60 -70 et 80. Bon nombre d'entre eux ont mûri, aujourd'hui, mais ils restent marqués à vie par ce qu'ils ont connu, vu ou vécu. Politiquement, ils constituent une mosaïque que l'on rencontre pratiquement dans tous les partis politiques et dans une gamme très large de ce qu'il convient d'appeler « la société civile ». Il s'agit, en premier lieu, des gauchistes. Leurs premiers noyaux sont apparus en 1968 –1969, sous l'étiquette du Mouvement marxiste - léniniste marocain, « essentiellement constitué de militants issus du Parti de la libération et du socialisme ( PLS, ex- Parti communiste marocain ; de nos jours, parti du progrès et du socialisme) et de l'Union nationale des forces populaires ( UNFP), actuellement , l'USFP ) ». Au sein de ce mouvement, il y a eu une panoplie de groupuscules. A côté du Mouvement 23 mars qui allaient se diviser en un premier temps en deux petites formations , dont l'OADP et le PSD sont l'aboutissement final, il y a lieu d'ajouter d'autres formation à penchant maoïste, comme « Servir le peuple» de Ahmed Herzenni. La majorité de ces groupuscules a fait du milieu universitaire un champ de bataille privilégié . leur position puriste et radicalement hostile, sur le plan verbal, aux valeurs sacrées du royaume ont poussé les autorités à anéantir leur infrastructure organisationnelle. Ils étaient contre la monarchie, l'intégrité territoriale du Maroc, les forces politiques nationales et contre toute forme de participation légale à l'action politique. Dans leur littérature, les atrocités des événements de mars 1965 et des années soixante-dix revenaient comme un leitmotiv et ne sauraient être effacées d'un seul trait. Leur semblant de maturité et de modération se met à nu dès qu'ils sont confrontés au compromis avec le réel. Car, toute négociation politique, même sur des sujets d'ordre strictement humain comme c'est le cas en ce qui concerne le CCDH peut se traduire en une compromission. En dépit des indemnités que plusieurs d'entre eux ont reçues de la part des pouvoirs publics, ils continuent à revendiquer ce qu'ils appellent le droit à la vérité. Historiquement la plupart de leurs malheurs viennent de leurs positions. Dans le passé, c'était la question du Sahara, ensuite le processus démocratique et aujourd'hui, l'alternance et la transition politique. Plusieurs parmi eux ne croient toujours pas à cette acception. Ils estiment que seules les apparences ont changé, mais la nature du régime est restée intacte, exactement comme le soulignent leurs camarades gauchistes à l'étranger, ou du moins ceux qui en restent. Ces derniers temps, leurs combats tournent autour de quelques espaces d'autonomie et d'actions qu'ils estiment pures et saines. Du « Forum pour la vérité et la justice », ils livrent leurs dernières cartouches pour nuire à l'Etat et aux forces modérées, afin de prouver qu'ils ont raison et que la réalité, la seule qui existe dans le pays est celle qu'ils voient. Même si ce n'est qu'une chimère ou qu'un mirage. L'obscurité des longues années de l'ombre y est pour quelque chose peut-être, mais pas plus que les ambitions déguisées et camouflées du présent.