Lancée début septembre à Rabat et à Casablanca, Radio Sawa s'est vite imposée dans le paysage audiovisuel marocain comme une station importante. Cette chaîne du gouvernement américain, qui constitue le préalable de la libéralisation des ondes prévue en 2004, a été autorisée d'émettre à titre exceptionnel. Elle est tombée du ciel. Son irruption dans le maigre champ audiovisuel s'est opérée sans pubs, ni clairons. Les auditeurs de Rabat et Casablanca l'ont captée, il y a un mois. Et depuis, elle s'est imposée comme une station aussi écoutée que celles qui existent. Les taxis et les échoppes des commerçants lui ont fait une réclame de tonnerre. «Elle», c'est Radio Sawa. Diffusée à partir de Washington, cette station remplace le service en langue arabe de « Voice of America ». Ceci pour dire qu'il s'agit d'une radio créée par le gouvernement américain, dans le but de « gagner l'attention et le respect de ses auditeurs arabes» par la « rigueur et l'objectivité » de ses informations, précise le site Internet de la radio (www.radiosawa.com). Créée en 2001, Radio Sawa émet déjà dans de nombreux pays arabes. L'Irak, le Liban, L'Arabie Saoudite, le Yémen et la Jordanie entre autres. Le Maroc est toutefois le premier pays du Maghreb qui reçoit les programmes de cette station. Cela étonne d'autant plus que la loi qui lève le monopole de l'Etat marocain sur l'audiovisuel, serait discutée lors d'un Conseil des ministres imminent et ferait l'objet d'un vote au Parlement au mois de décembre. L'autorisation d'émettre à Radio Sawa a été donc accordée, avant l'adoption de la loi sur la libre circulation de l'audiovisuel. Cette autorisation, qui a été signée par le ministre de la Communication, Nabil Benabdellah, ne revêt pas un caractère illégal à ses yeux. « C'est un acte tout à fait légal, puisque l'autorisation obéit à la loi. Le pays s'est engagé à libéraliser ses ondes en 2004. Nous avons fait vite pour Radio Sawa, compte tenu des liens particuliers qui unissent le Maroc aux Etats-Unis, et eu égard au fait que cette station contribue à rapprocher nos deux pays », a déclaré le ministre de la Communication à ALM. Radio Sawa a beaucoup de projets au Maroc. À preuve, un correspondant de cette station a déjà été désigné. Il s'agit du journaliste marocain Ali Anouzla. « La station émettra d'ici la fin de l'année dans toutes les grandes villes du Royaume. Les habitants de Tanger, Marrakech, Fès ou Agadir pourront la capter sur la bande FM », dit-il à ALM. Il ajoute que la station prévoit d'ouvrir un bureau au Maroc en 2004, et que sa sphère d'activité sera élargie par la création d'une chaîne d'information en arabe, « genre Al-Jazira ». Quant aux programmes de Radio Sawa, ils alternent bulletins d'informations et musique arabe et anglo-saxonne. Si les flashes d'information sont lus en arabe classique, le parler libanais est si présent qu'il s'apparente à la langue de la chaîne. Les présentateurs s'expriment en libanais pour annoncer les programmes. Ils sont d'autant moins dépaysés que les chansons en arabe, diffusées sur cette chaîne, sont majoritairement l'œuvre de chanteurs et chanteuses libanais. L'empire du libanais sur cette station se lit, au demeurant, d'emblée sur le nom de la radio. “Sawa” veut dire en libanais “ensemble”. La chanson marocaine est pour sa part très parcimonieusement diffusée. Cette quasi-absence est due, selon le correspondant de Radio Sawa au Maroc, à la pauvreté de la discothèque des studios de Washington. « J'ai envoyé des chansons marocaines, mais compte tenu des difficultés relatives aux droits d'auteur, la station ne peut pas les diffuser sans en référer aux ayant droit », dit-il. Une chaîne diffusée sur le réseau FM devrait pourtant être respectueuse de la langue et de la culture du pays hôte. L'absence de la culture marocaine dans Radio Sawa reste à revoir, si cette station veut se donner les moyens de réaliser ses ambitions. Car la concurrence sera impitoyable. Selon le ministre de la Communication, il existe « beaucoup de demandes relatives à la création de stations radios, aussi bien de la part d'opérateurs marocains qu'étrangers ». Une explosion des ondes aura lieu en 2004. Quant aux personnes qui reprochent à Radio Sawa d'avoir eu l'autorisation d'émettre, à titre exceptionnel, elles devront se consoler en se disant qu'avec cet acte, il sera difficile de revenir en arrière. Radio Sawa est la preuve que la libéralisation des ondes a déjà commencé au Maroc.