La situation d'une cité est l'addition de différentes responsabilités qui donnent aux Hommes le droit d'en personnifier les ingénieurs. Pourtant, le peuple et ses élites ont été privés de cette liberté fondamentale, les incitant ainsi à dénoncer l'« administration », entité impersonnelle, et non les responsables et les décideurs publics. La situation d'une cité est l'addition de différentes responsabilités qui donnent aux Hommes le droit d'en personnifier les ingénieurs. Pourtant, le peuple et ses élites ont été privés de cette liberté fondamentale, les incitant ainsi à dénoncer l'« administration », entité impersonnelle, et non les responsables et les décideurs publics. Une situation qui n'évite pas le devoir de mémoire certes, mais prend la justice en otage. Comment alors qualifierait-on la même conjoncture où s'ajouterait à la complexité le fait que ces responsables font dans la négation, dans l'oubli ou encore dans la menace ? Ils revendiquent avoir falsifié quelques résultats: « J'accepte d'être accusé d'avoir arrangé quelques députations (...) C'est un détail insignifiant. Le plus important pour moi était la réussite du processus électoral ». Et les enlèvements et disparitions arbitraires qui ont marqué leur passage "je ne nie pas qu'il y ait eu des abus commis par des responsables étatiques", mais ils affirment "ne pas connaître" le commissariat de Derb Moulay Chérif, à Casablanca, où furent torturés des centaines d'opposants politiques "dois-je connaître tous les commissariats du Royaume?", ils affirment n'avoir eu "nullement connaissance" de l'existence du bagne de Tazmamart, un véritable symbole des années de plomb "Cette affaire concernait les militaires", expliquent ils en se qualifiant de n'être que des "femmes de ménage" de la monarchie. Il y eut OUFKIR, et puis DLIMI, qui l'un et l'autre, finirent par croire que l'autorité qui leur avait été déléguée leur appartenait. Si Driss, plus intelligent, s'en est habillé pendant un quart de siècle et, comble du ridicule, aujourd'hui celui qui fut le grand vizir du Royaume s'est transformé en «clandestin» dans le pays de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Hassan II eut le réflexe d'écarter l'armée après la mort de Dlimi, optant pour une approche administrative inscrite dans une logique "environnementale" à savoir le principe de précaution. Seule l'administration pouvait être au service de cette clairvoyance. Si Driss, à l'apogée de sa puissance en 1983, cheville ouvrière de cette politique de "prévention", excellera en matière d'ingérence politique, de contrôle économique et de mise au pas des libertés publiques. Le Sang a moins coulé par rapport à l'ère Oufkir, mais il n'en demeure pas moins que le contribuable n'a point cessé d'en faire les frais. L'éminence grise de l'ancien régime eut deux lignes de conduite en vue d'une politique de maintien de pouvoir, où la légitimité du fructus personnel se manifestait par un zèle épanoui : Le contrôle de la population et l'affaiblissement des partis politiques, la gauche en tête. Du Mokaddem au Super Caïd et du Consul à l'Ambassadeur, l'administration était inscrite dans une logique sécuritaire adoptant une démarche de proximité en vue de neutraliser nos compatriotes avant toute ébauche d'organisation citoyenne. Oui…la mémoire courte ! L'organisation administrative et les passerelles entre les départements de souveraineté préservaient une certaine présence dans les esprits, afin de neutraliser les mouvements, les actes, voire les pensées des citoyens en général. Les libertés publiques étaient violées en vue de l'adoption de ce qu'appelle Machiavel dans « le Prince » la politique du strict minimum. Tracer scientifiquement le seuil de la pauvreté qui permet la neutralisation de la révolte et le maintenir dans un esprit de non développement et de corruption généralisé. (A une question d'un journaliste concernant l'augmentation des salaires des fonctionnaires de la sûreté nationale, Si Driss a répondu : "ne vous en faites pas pour les policiers du Royaume, ils s'en sortent très bien") Oui…la mémoire courte ! L'architecte d'un système politico administratif où tout se décrète sans fondement rationnel légal, responsable des pesanteurs qui organisent la survie de presque trente millions d'âmes, reprend en bonne intelligence les processus de notre nation dans une logique individuelle reprise par les médias européens à l'approche du cinquième anniversaire du «nouveau concept de l'autorité». Celui par qui l'ossature fondamentale de notre sous-développement s'est instaurée fait dans la sémantique. Nous retrouvons des «autoritarisme éclairé», «monarchie orléaniste » ou encore «maghrébinité vivace» dans ce papier du Monde du 26 juillet 2004 signé Driss Basri, en première posture Professeur, puis Ministre d'Etat, et enfin Ministre de l'intérieur. Le passé sécuritaire ne serait qu'une parenthèse? à en reprendre la littérature de la réconciliation, son patronyme qui se confond avec l'énigmatique « chtouki », tortionnaire de BenBarka, ne serait qu'affabulation? Sa relation avec Me Keijman qui laisse supposer son implication dans le dossier « Oufkir », et par déduction dans celui de tazmamart, ne serait que conclusion facile ? La nationalité brésilienne d'Abraham Serfaty relèverait de l'interprétation juridique universitaire ? Oui…la mémoire courte ! Celui qui a fait de la décentralisation une manne d'extorsion de fonds en renforçant la tutelle administrative, en gelant les transferts de compétences, en accaparant les fonds communaux, en recoupant la cartographie administrative sur des bases subjectives, en biaisant la légitimité populaire dans les assemblées communales, préfectorales et nationales, se hisse en donneur de leçons. Celui qui, en quête de pouvoir absolu, empiéta sur les prérogatives quant à l'affaire du Sahara, ébranla le consensus national en incarcérant les dirigeants de l'USFP en 1981, et se rallia à toutes les alliances parallèles aux circuits diplomatiques officiels durant deux décennies, celui qui est la cause de toutes les erreurs commises dans le traitement du dossier de nos provinces du sud et qui a mis en place sans aucun état d'âme une politique répressive vis-à-vis des populations sahraouies, celui qui a mené à l'impasse, condamne l'«impasse» que connaît le Royaume dans ce même dossier. Celui qui présentait au peuple l'urne transparente comme illustration de la démocratie n'hésite pas à employer ces deux mots, pourtant ignorés durant tout un absolutisme: «…Nous marocains…». Celui qui voulait démontrer son allégeance en s'introduisant entre un Roi et son Prince Héritier aborde « la perspicacité de Mohammed VI ». «Smitsidi » c'est devenu de l'histoire ancienne ! Oui…la mémoire courte ! D'un début ordinaire à cette fameuse tasse de thé chez Me Abderrahman Youssoufi, Si Driss peut dire que les années sont là, laissant la misère d'un peuple témoigner de ce qu'il a été. Les ennemis, les victimes et les vassaux de l'homme fort du régime post colonial savent que la mémoire courte n'a jamais été exonératoire, et à bon entendeur il serait opportun de saluer le fait que l'amnésique face à son impuissance...ne peut s'intégrer que par son silence. Ce Maroc qui renoue avec la dignité, l'espoir et la concorde ne peut qu'être fier du plus populaire de ses Rois qui nous a enseigné que «Ce qui honore l'homme est le fait de s'élever au-dessus de toute forme de vengeance. » • Par Omar Mahmoud Bendjelloun et Omar Abbadi militants de gauche