«Ici et là» est le titre du nouveau long métrage du réalisateur marocain Mohamed Smaël. Le tournage de ce film débute le 9 août pour s'achever sept semaines plus tard. Entretien. ALM : Vous vous apprêtez à tourner un nouveau film, intitulé : «Ici et là », quelle est la principale thématique de ce long métrage ? Mohamed Smaïl : Le nouveau film que je prépare actuellement porte sur le thème de l'émigration. Mon premier long-métrage «Et après» portait également sur ce même sujet, mais cette fois-ci, j'ai voulu me pencher sur la situation du retour de l'émigré à son pays natal. Mon regard se situe, cette fois, de l'autre côté de la frontière. Une fois de l'autre côté de la frontière, j'essayerais de raconter l'histoire d'un homme qui décide de rentrer au pays après quarante ans de vie ailleurs. Je vais tout au long de la réalisation de ce film essayer de comprendre et d'élucider le pourquoi du retour à la mère patrie. Mon souci premier est de pénétrer le monde des gens qui ont passé des dizaines d'années sur d'autres sols et qui décident un jour de revenir. C'est une façon de dresser un certain bilan de toute une vie d'exil. Il s'agit également de découvrir le regard que l'autre adresse à l'émigré. Aussi, il faudrait également démontrer quelle est l'approche réelle que les émigrés ont de leur pays d'origine et comment ils pourront concilier entre les deux mondes : L'ici et l'ailleurs. Après avoir passé 40 ans à l'exil, l'émigré rencontrera sûrement des difficultés d'intégration, une fois de retour dans son pays. Il y a des conflits internes entre les émigrés et leurs compatriotes ici. Ces derniers cherchent à tirer profit d'eux et à leur soutirer leur butin. Parallèlement à cela, les enfants qui sont nés de l'autre côté ignorent tout de leur pays d'origine. Ils ne connaissent leur pays qu'à travers ce que leurs parents leur racontent. Quand ils y retournent, ils se sentent perdus, désorientés; ils ne ressentent aucun lien avec ce pays. Et par là même, ils ne sont ni chez eux, ni ailleurs. Ils demeurent comme des apatrides, en éternel voyage entre les deux rives. Pourquoi choisissez-vous toujours de traiter le sujet de l'émigration ? vous ne trouvez pas que c'est un thème assez récurrent dans nos films marocains? Je pense, personnellement,que l'émigration est l'une des questions les plus cruciales du moment. Nous n'arrivons pas à trouver une manière pour gérer une fois pour toutes les problématiques liées à l'émigration. Jusqu'à présent nous n'avons pas encore assisté à un réel traitement de la question de l'émigration dans nos films marocains. Le sujet est souvent traité sous forme d'insinuations ; on en parle dans les salons, dans les cafés, mais jamais de manière directe. Jusqu'à cet instant, on a tourné autour du pot, que ce soit au Maroc ou ailleurs, pour affubler le sujet d'interprétations souvent farfelues et qui passent à côté du cœur du problème. À travers ce long métrage, «Ici et là», il s'agit d'apporter un regard juste et réel sur les véritables difficultés d'intégration, de communication et d'acceptation. Une acceptation au pays comme à l'étranger. Quels sont les acteurs qui joueront dans ce film et quels ont été les critères de sélection ? Les acteurs que nous avons voulu intégrer dans ce film devaient avoir une certaine crédibilité. Le premier rôle est joué par Ahmed Ben Messoud. C'est le héros du film et joue le rôle d'un retraité qui pense revenir de nouveau au pays pour s'y réinstaller. Il y'a d'autres acteurs comme Mouna Fettou, Nezha Regragui, Saïd Naciri, Salah Eddine Benmoussa, Rachid El Ouali pour ne citer que ceux-là. Nous avons choisi d'intégrer pour ce long métrage des acteurs en exil comme Ahmed Benmessoud. C'est une façon de donner plus de vraisemblance au sujet choisi. Nous trouvons un choix très large et diversifié d'acteurs vivants à l'étranger. Il y en a en France, en Belgique et en Hollande. Le casting est déjà bouclé et tous les acteurs ont signé leur contrat. Mais le plus important dans tout cela c'est que tout le monde est convaincu de l'idée qu'on ne réalise pas un fil Hollywoodien et que par conséquent on travaille avec les moyens du bord. Quel est selon vous l'état actuel du cinéma marocain ? Je trouve personnellement qu'on s'achemine vers une certaine évolution positive. Il existe une certaine structure cinématographique qui commence à se mettre en place. L'arrivée de Nourredine Saïl, l'actuel directeur du Centre cinématographique marocain, a joué un grand rôle. La structure cinématographique n'est plus anarchique. Il y a actuellement des lois qui commencent à être établies. D'autre part, l'aide cinématographique est davantage effective. Le fonds d'aide suit actuellement l'évolution économique de la fabrication des films, car actuellement on ne peut plus se permettre de réaliser un fil avec un budget de 2 millions ou 2 millions et demi de dirhams seulement. Maintenant nous arrivons à produire 10 à 12 films par an, et M.Saïl espère atteindre une barre de 20 films par an. C'est un projet ambitieux qui démontre la volonté de faire évoluer le secteur cinématographique au Maroc.