Mohamed Sajid a été hissé, mardi 23 septembre, par ses pairs au poste de maire de Casablanca à l'issue d'un scrutin de tous les suspenses. Chronique d'une élection pas comme les autres. La salle a retenu son souffle jusqu'au bout. Elle est toute ouïe. Mohamed Sajid. Karim Ghallab. Qui des deux sera adoubé maire du Grand Casablanca ? Suspense. Doyen des élus de Casablanca, le président de la séance secondé par le benjamin d'entre eux déclame d'un ton solennel le décompte des voix. L'opération de dépouillement a commencé vers 17 heures 15 minutes ce mardi 23 septembre au siège de la Wilaya. Les premières enveloppes donnent une avance au candidat istiqlalien. Mais ce n'est qu'un début. Reste une centaine de bulletins à dépouiller. Or, à mesure que les votes sont égrenés comme un chapelet , Mohamed Sajid de l'UC se détache et prend petit à petit une longueur d'avance considérable sur son concurrent. Mais l'assistance, votants, journalistes et simples anonymes, qui croit plutôt à une victoire de Karim Ghellab, ne veut pas aller vite en besogne et tirer des conclusions. Il faut attendre. Alors, on compte les points sur un bout de papier. Mais lorsque Sajid arrive à 62 voix laissant très loin derrière son adversaire, un frémissement traverse la salle. Plus que 5 petites voix qui séparent Sajid de la victoire. Le suspense diminue d'intensité. Pas de doute, Ghellab est perdant. À l'annonce de la 67ème voix pour le candidat UC (soit la majorité requise), retentit alors un cri grondant de joie. Une foule d'élus se lèvent d'un bond de leurs sièges et entourent le vainqueur. Mohamed Sajid reste assis à sa place au milieu d'une salle de plus en plus bruyante. Son visage est impassible. Grande émotion. Il doit savourer sa victoire comme il l'a toujours mené ses affaires. Sereinement. Le président de la séance et le représentant de l'autorité locale ont du mal à faire revenir le calme malgré leurs appels incessants pour que les gens reprennent leur siège et permettent la poursuite de l'opération de dépouillement. Celle-ci s'achève dans un brouhaha sympathique. Victoire écrasante de Mohamed Sajid : 86 voix contre 45 pour son adversaire. C'est la consternation dans le camp des perdants. Comment se fait-il que le pacte d'honneur signé à la dernière minute par les partis de la coalition gouvernementale pour que Casablanca soit sous leur contrôle ne s'est pas traduit dans l'urne ? Quelle déroute ! Les Istiqlaliens sont les plus affectés. Abderrazzak Afilal et ses compagnons dont la gracieuse Yasmina Baddou s'empourprent d'une mauvaise colère, tandis que Khalid Alioua arbore un sourire narquois. Il a toujours pensé qu'il était taillé pour être le maire de Casablanca avant que les aléas de la politique locale ne le contraignent à renoncer à ses ambitions. Esprit cartésien, Karim Ghellab, entouré de ses amis, soupçonne un des membres de la coalition Jettou de ne pas voter pour lui. Tout à ses contorsions arithmétiques, il fait figure de dindon d'une grosse farce électorale. Homme bardé de diplômes mais visiblement dépourvu d'expérience politique, le jeune et fringant ministre devait se sentir très mal. Il serait aujourd'hui maire de Casablanca s'il n'avait pas (un jour avant le scrutin) fait bond à son ami Sajid qui avait décidé de retirer sa candidature pour lui offrir la majorité sur un plateau. Avec comme objectif de former un duo de choc à Casablanca. Mais Karim Ghellab a préféré nouer une sainte alliance- qui était d'office vouée à l'échec- avec les partis de la coalition gouvernementale. Les observateurs avisés, excepté l'intéressé, ont vu d'avance la défaite fondre sur lui. En se retirant de la course laissant l'Istiqlalien monter seul au front, Khalid Alioua, qui reste un fin politique, a certainement flairé le coup. “Je suis heureux de ne pas avoir cautionné cette mascarade“, lâche, amer, Karim Ghellab sur le parvis de la Wilaya. Un autre élu du camp des vainqueurs confie, quant à lui, qu'il était hors de question que les Casablancais adoubent des candidats parachutés. En fait, les choses à Casablanca étaient claires dès le lendemain du scrutin. Celui qui a réuni la majorité absolue en premier et dernier ressorts et au-delà de son appartenance partisane est Mohamed Sajid. Autrement dit, il serait SAP, il aurait bénéficié du même soutien sans faille. Et puis facteur non négligeable, il a su surfer finement sur les contradictions et les déchirements des deux principaux partenaires de la Koutla, l'USFP et l'Istiqlal. Industriel casablancais connu qui jouit de l'estime aussi bien de la communauté des affaires que de la classe politique tous bords confondus, M. Sajid, 50 ans, est un homme d'écoute et de terrain. D'un naturel bonhomme et discret, il a fait ses preuves dans son fief d'Ighrem à Taroudant dont il est député depuis 1993. Ici, il a réussi à mettre en place et à animer un réseau associatif très puissant qui a permis d'équiper la région en infrastructures de base : routes, eau, électricité, dispensaires, écoles…Bien sûr, les problèmes et les attentes de la capitale économique ne sont pas ceux de Taroudant. Mais M. Sajid saura relever le défi pour peu qu'il s'entoure d'une bonne équipe au sein du bureau. Pour la première fois, Mohamed Sajid a battu campagne à Casablanca. Pour un coup d'essai, ce fut un coup de maître.