Le rapport frileux des banques au Maroc à l'acte d'investir n'est que la manifestation d'une crise multiforme qui sévit dans le pays. À tous les étages. Aux hommes politiques de renverser la vapeur. Les banques marocaines croulent depuis quelque temps sous une avalanche de sur liquidités. L'argent coule à flots au point qu'elles ne savent pas qu'en faire pour le fructifier encore davantage par sa réinjection utile et pertinente dans le circuit économique. C'est le paradoxe des marchés financiers marocains. Pléthore de fonds mais l'investissement productif est rare. Le problème a toujours existé. Il est lié généralement à la crise de confiance ambiante, qui se traduit inévitablement sur l'activité économique. Un banquier explique : “ Le hic c'est que les banques au Maroc, contrairement à leurs consœurs en Europe, n'ont pas les moyens d'apprécier un projet d'investissement pour savoir s'il est rentable ou pas. Résultat : pour se protéger, elles demandent des garanties et des hypothèques au cas où l'investisseur se casserait la gueule. C'est là le fond de la question“. Il est vrai qu'en Europe ou en Amérique, les établissements bancaires disposent tous d'un service étude de marchés qui est au courant des indices économiques du pays. Une lisibilité qui leur permet de connaître les tendances du marché de l'investissement dans tel ou tel secteur et de maîtriser les projets qui sont éventuellement bancables et de gérer éventuellement les risques. Au Maroc, ce n'est pas apparemment pas le cas. D'où le fait que les banques au Maroc, pour ne pas prendre de risque inutile, se rabattent sur les garanties réelles de tout acte d'investir, excepté les projets immobiliers qui se garantissent eux-mêmes. Au Maroc, le banquier ne parle pas avec vous, futur investisseur, qualités ou insuffisances du projet mais caution personnelle. Ce qui suppose que vous devez d'abord être riche pour pouvoir vous lancer dans les affaires. Ici, le proverbe “on ne prête qu'aux riches“ prend toute sa signification. C'est cette situation, il est vrai rédhibitoire, qui représente un frein devant les investissements. Comment donner un coup de fouet à ces derniers alors que la banque exige au préalable de son client de lui fournir la preuve de sa solvabilité alors qu'il n'a pas encore démarré son affaire ? En fait, les banques ne sont pas les seules à pousser trop loin les règles prudentielles. Les Marocains en général, même ceux qui n'ont pas besoin de crédits bancaires pour être des hommes d'affaires, fuient comme la peste le risque lié à l'investissement. La plupart se rabattent sur des secteurs où le gain est aussi rapide que assuré comme la promotion immobilière, la spéculation foncière, les cafés et autres petits commerces… C'est une affaire de mentalité. L'esprit boutiquier. La mise à niveau passe d'abord pas un changement des habitudes et des réflexes. “ Tout investissement comporte par essence une marge du risque, déclare un chef d'entreprise. Le problème avec les banques au Maroc c'est qu'elles ne sont pas dans une logique de partenariat avec leurs clients. Quand ceux-ci ont des problèmes en cous de routes, ils ne trouvent pas l'assistance nécessaire en termes de conseil et de soutien pour dépasser les difficultés. La banque chez nous vous accorde le crédit sur la base de garanties et ne vous accompagne pas dans l'évolution de votre affaire“. Un système financier plus entreprenant, moins frileux participe efficacement au développement économique d'un pays. Or, le cas du Maroc est beaucoup plus complexe avec un environnement en mal d'assainissement. Le rapport des banques à l'acte d'investir n'est finalement que la manifestation d'une crise de confiance multiforme qui sévit à tous les étages. Autrement dit, la restauration de la confiance, moteur du développement, n'est pas l'affaire des banques mais des acteurs politiques. C'est à eux qu'incombe la charge de renverser la vapeur.