Que pourrait-il bien arriver à un enfant de 7, 8 ou même 12 ans s'il est fréquemment en train de surfer sur Internet en l'absence de toute supervision parentale? Pas grand-chose dira-t-on du moment qu'il est dans sa chambre, sage et docile. Faux, voilà la réponse unanime des spécialistes. Harcèlement, pédophilie, manipulation, messages haineux, transgression de l'intimité de la personne, vol… à tous ces maux et d'autres bien pires, les enfants sont exposés à chaque fois qu'ils se retrouvent seuls face à un outil connecté à Internet. Lors d'une table ronde que Inwi a organisée, mardi 2 septembre, à l'occasion du lancement d'une campagne de sensibilisation dans ce sens, l'opérateur de télécommunications a réuni une bonne palette de spécialistes des questions liées à l'enfant et aux conséquences de sa cyberdépendance. Leur constat est plutôt alarmant. Au moment où les jeunes parents se laissent aller dans les pressions quotidiennes, au rythme effréné du travail, savoir que leur enfant trouve refuge dans le Web est plus qu'un soulagement de conscience. Un vrai moyen de déculpabilisation. Savent-ils au moins à qui confient-ils leurs enfants? Car souvent, ces derniers sont autant en danger, voire plus qu'ils le sont dans la rue. Présente lors du débat, Imane Kendili, psychiatre addictologue spécialisée en cyberaddiction, a rappelé les résultats d'une enquête menée en 2010. «50% des jeunes ayant figuré dans l'échantillon des personnes questionnées âgées entre 12 et 15 s'étaient déshabillés devant une caméra». Soit le double de ce qui est constaté en Europe. De quoi avoir froid au dos mais surtout de quoi attirer l'attention des parents sur les conséquences de l'absence de toute communication autour du sexe à leurs enfants. Bien qu'ils soient jeunes, ces derniers ont besoin d'avoir des réponses à leurs questions, faute de quoi ils se dirigent vers un moyen accessible et dénudé de «tabous» : Internet. La campagne de sensibilisation que lance Inwi en partenariat avec l'Unicef concerne plutôt les enfants âgés entre 7 et 12 ans. Selon les derniers chiffres de l'enquête menée par l'Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT), «16% des jeunes marocains de moins de 12 ans possèdent un téléphone portable, 55% d'entre eux affirment savoir utiliser un ordinateur, 47% accèdent à Internet, 28% sont autorisés à accéder seuls à Internet et 14% des jeunes marocains de moins de 12 ans sont présents sur les réseaux sociaux». Mis à part la violence sexuelle qui, rappelons-le, n'est pas censée être physique pour être inquiétante, les enfants peuvent accéder à des contenus à caractère raciste ou qui font l'apologie de certaines pratiques dangereuses comme l'anorexie ou le suicide. Raisons pour lesquelles «il faut arrêter de se dire qu'il existe un monde virtuel et un autre réel. Entre les deux, il n'y a vraiment pas de frontières», insiste Jean-Benoît Manhes, représentant Unicef au Maroc par interim. Selon lui, il faut dire les vérités sur Internet. Les vérités sur Internet sont pourtant évidentes. Il s'agit d'un excellent outil d'apprentissage, de communication et d'ouverture sur le monde si son usage est rationnel et supervisé. Toutefois, beaucoup de violence y est cachée. Derrière un pseudonyme ou un avatar, «le jeune est parfois tenté de s'inventer une identité virtuelle, de créer un avatar aux normes irrationnelles avec des conséquences néfastes sur l'estime de soi» explique Dr Imane Kendili. De même que derrière un autre pseudonyme peut se cacher un prédateur sexuel ou un simple arnaqueur capable de soutirer à l'enfant des informations sensibles (adresse, numéro de téléphone, identité des parents, etc.) ou, pire, l'attirer vers une rencontre réelle, à la sortie de l'école ou dans des lieux où il a l'habitude de se rendre seul. Quant à l'addiction au Net à cet âge, la psychiatre addictologue rassure qu'il est difficile d'en parler mais «l'abus peut perturber le rythme du sommeil et peut provoquer une désinsertion sociale».