La première édition du festival international de Casablanca n'aura pas lieu. La nouvelle est sidérante. Rachid Andaloussi, directeur artistique du festival, s'explique sur les raisons de cette annulation. Le festival international de Casablanca a été annulé. La nouvelle est sortie tranchante, comme un couperet, de la bouche de son directeur artistique, Rachid Andaloussi. «Je suis consterné, profondément attristé. Nous avons travaillé comme des fous pour voir le fruit de nos efforts réduit à néant. C'est ahurissant !» nous confie-t-il. Il est vrai qu'un tapage médiatique incroyable a été fait autour du festival. Il est vrai que les noms de stars de la chanson mondiale ont été prononcés. On attendait Eric Clapton, BB King et d'autres encore. Rien n'est trop beau pour redorer l'image culturelle de la ville. Et puis, toute cette fumée se révèle être sans feu. La raison de cette annulation est d'ordre financier, selon Rachid Andaloussi. La société de l'événementiel à laquelle l'organisation du festival a été confiée n'a pas voulu avancer d'argent. Elle voulait payer les prestations des artistes après les spectacles. Or, selon Andaloussi, cette société a accepté au début le cahier des charges qui stipule des dépenses préalables devant lesquelles elle s'est désistée par la suite. L'autre raison a trait à la transparence qui doit accompagner la dépense des deniers publics. Ce festival est organisé par la Wilaya du Grand Casablanca. La transparence dans les dépenses est une exigence à laquelle se sont soumis les organisateurs. «J'ai si bien ficelé les dépenses que je suis tombé dans un piège. Il n'y avait pas moyen d'assouplir quoi que ce soit» dit Andaloussi. Et d'ajouter : «J'endosse l'entière responsabilité de la non-faisabilité de ce festival», avant de se lancer dans un réquisitoire virulent contre les entreprises casablancaises. «Elles pompent depuis des années Casablanca. Et quand on leur demande de faire un petit effort pour le rayonnement culturel de la ville, elles se dérobent toutes». À l'exception de deux sociétés, toutes les autres se sont en effet défilées. La violence des propos de Rachid Andaloussi n'épargne pas les banques. «Les banques ont voulu juste nous prêter leur espace comme si on manquait d'espace ! Mais quand il s'agit de s'engager en donnant de l'argent, aucune n'a voulu avancer un rond». L'amertume du directeur du festival, président de l'association Casa-Mémoire, est d'autant plus grande qu'il semble désarçonné par l'indifférence des acteurs économiques de la ville. «Casa leur a tant donné, et ils ne veulent pas lui rendre un peu ce qu'ils lui doivent». Les préparatifs pour l'organisation de l'événement allaient bon train pourtant. Le début des travaux à l'intérieur de la cathédrale Sacré-Cœur annonçait un réel réaménagement des espaces susceptibles d'accueillir les activités du festival. Sans incriminer ceux qui n'ont pas su ou pu organiser ce festival jusqu'au bout, il est légitime de se poser quelques questions. Le festival Mawâzine de Rabat, qui a démarré sans médiatisation excessive, a été une réussite totale. Qui préside à la réussite d'un festival ? Est-ce l'affaire d'un homme ou d'un groupe de personnes ? Qui réussit à convaincre les entreprises de donner de l'agent ? Qui les en dissuade ? Pour le reste, il ne reste qu'à espérer l'organisation effective de ce festival dans un peu plus d'un an. Cela fait cinq ans que le nom du festival de Casablanca est prononcé. Il commence à ressembler à une célèbre Arlésienne et à un personnage de Beckett dont on attend vainement l'apparition.