Depuis quelques mois, la contestation sociale gagne divers catégories de la fonction publique. des débrayages et des sit-in en série ont été observés. Explications. C'est décidément la première fois que le pays connaît une multiplication aussi importante des mouvements de protestation syndicaux. Des grèves en série sont décrétées dans plusieurs secteurs durant ce mois de juin qui est généralement considéré comme une période de paix sociale étant donné que les syndicats préfèrent reporter leurs actions revendicatives à la rentrée politique étant donné que l'impact d'une grève a plus d'effet sur le gouvernement à partir de septembre puisqu'il s'agit d'une période où l'Exécutif prépare la loi de Finances. Toutefois, les syndicats semblent avoir rompu avec cette tradition. L'été 2004 s'annonce très chaud en matière de revendications syndicales. Collectivités locales, santé, justice, agriculture, transport…etc, le mécontentement semble être généralisé puisqu'il affecte plusieurs secteurs de l'administration marocaine. D'abord, ce fut la grève des pilotes de ligne de la Royal Air Maroc qui vient de se terminer avec la conclusion d'un accord entre la direction et les grévistes dont les détails demeurent jusqu'à maintenant inconnus sauf en ce qui concerne le retour des licenciés. La grève s'est d'ailleurs arrêtée aussi mystérieusement qu'elle avait commencé. Néanmoins, elle a fait beaucoup de dégâts : des pertes dépassant les quinze millions de DH, des pertes énormes pour le secteur touristique qui a souffert durant les dix jours que l'arrêt de travail a duré. Puis il y a les grèves répétitives des agents des collectivités locales qui donnent l'impression d'être interminables puisque leur effet continue à se sentir plusieurs jours après leur arrêt. Le cumul des ordures dans la rue est devenu un synonyme du désarroi des agents communaux qui, dès qu'ils décrètent leur grève, provoquent une situation intolérable. Des tonnes d'ordures non collectées s'accumulent dans la rue. Aussi, après quelques jours d'arrêt de travail, les agents des collectivités locales ont mis fin à leur grève et ont rejoint leurs postes de travail sans que leurs revendications n'aient été prises en considération et sans que personne n'explique aux citoyens, qui en ont souffert, les raisons de la reprise du travail et si leurs revendications ont été prises en considération. Rien. Sauf que les grévistes laissent entendre qu'ils reviendront bientôt à la charge. La grève a touché aussi un secteur qui était jusque-là épargné par ce genre d'action revendicative : la justice. Le Syndicat démocratique de la justice affiliée à la Fédération démocratique du travail (FDT) a en effet observé une grève nationale, les 15 et 16 juin courant. Un communiqué du syndicat indique que "la situation matérielle et morale du personnel" constitue la principale revendication de cette catégorie de fonctionnaires. Durant deux jours, l'appareil judiciaire s'est arrêté et la justice était paralysée. Une première que le ministère de tutelle a critiquée dans un communiqué officiel. "Le ministère de la Justice exprime son étonnement quant à la voie suivie par le syndicat qui a décidé de recourir à la grève dans un secteur devant continuer à remplir sa mission consistant en le règlement des litiges et en la protection des transactions et de la sécurité de la société, disait le communiqué qui s'est étonné de cette décision. Néanmoins, la Justice n'est pas l'unique secteur sensible qui arrêtera de fonctionner à cause d'une grève. Le Syndicat national de la santé publique (SNSP) a annoncé sa décision de faire une grève nationale le mercredi 23 juin. Une grève qui concernera tous les services de santé à l'exception des urgences, affirme un communiqué de ce syndicat qui dit dénoncer le mutisme du gouvernement face aux revendications du personnel de la santé. Par ailleurs, on annonce une grève nationale des administrateurs et cadres assimilés les 16, 17, 23, 24 et 30 juin, ainsi que le 1er juillet prochain. Il s'agit là d'un mouvement qui affectera toutes les administrations de l'Etat. D'ailleurs, le programme d'action établi dans par l'instance de coordination annonce également des sit-in devant les ministères de la Modernisation des secteurs publics et des Finances respectivement les 16 et 23 juin. Ainsi, l'on constate que les mouvements de protestation se multiplient dans le secteur public sans qu'il n'y ait de réaction de la part des départements concernés ou du gouvernement en général. Les décisions de grèves étant décrétées par des syndicats sectoriels, le gouvernement donne l'impression d'adopter une attitude indifférente face à ces mouvements revendicatifs. Aussi, l'on remarque que la majorité des grèves ne suscitent pas de réaction de la part du gouvernement. Pire : les partis politiques n'ont pas réagi à ce qui se passe. Tout semble donc indiquer que la multiplication des grèves a fini par en réduire l'impact. Mais, ce qui attire l'attention le plus est le fait que les centrales syndicales donnent l'impression d'être dépassées par les syndicats sectoriels affiliés. Certains observateurs parlent même d'un mouvement d'émancipation de ces derniers qui, ne constant pas d'amélioration de la situation de leurs affiliés, seraient peut-être en train de se libérer des centrales syndicales qui, elles, sont liées par des contraintes politiques dont la participation au gouvernement.