Théâtre de duels d'artillerie, d'échange de tirs et d'attaques rebelles, le Cachemire subit actuellement une nouvelle escalade de violences motivée par les escarmouches verbales entre New Delhi et Islamabad. Le Cachemire, coupé en deux zones respectivement sous contrôle de l'Inde (sud) et du Pakistan (nord), n'en finit plus de replonger dans le cercle de la violence à chaque fois que l'un des deux Etats voisins brandit la menace militaire contre l'autre. La dernière occasion donnée à New Delhi pour envenimer les relations bilatérales, remonte à mardi dernier. Trois combattants séparatistes musulmans, que l'Inde a formellement identifiés comme Pakistanais, avaient alors attaqué un bus puis la partie résidentielle d'une base militaire près de la ville de Jammu, dans la partie indienne. Cet attentat – dont les trois auteurs ont aussi trouvé la mort – a tué pas moins de 32 personnes, en majorité des femmes et des enfants. La classe politique indienne s'était immédiatement rassemblée autour de son gouvernement pour condamner cet acte « terroriste » et exiger du Pakistan, qu'il abandonne une fois pour toutes son soutien à la guérilla séparatiste du Cachemire. En janvier dernier, Islamabad, soucieux d'afficher sa fermeté à l'égard de l'extrémisme religieux, en avait pourtant interdit les activités sur son territoire. Mais l'Inde y avait vu un «double jeu» du président Musharraf, accusé de «berner » la communauté internationale. Selon des diplomates occidentaux, les autorités de New Delhi ont fait samedi un geste de plus dans la détérioration de la situation. Elles ont officiellement demandé au Pakistan de rappeler son ambassadeur tout en déclarant « maintenir ouverte l'option militaire » au cas où Islamabad n'aurait pas compris le message. Vendredi dernier, le ministre indien de l'intérieur, Lal Krishna Advani, avait déjà tenu des propos particulièrement limpides. Il avait déclaré que l'Inde devait compter sur ses propres forces pour gagner la « bataille contre le terrorisme ». Confortée par le contexte international né des attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, l'Inde a fait de l'élimination du terrorisme – qu'elle dit soutenu par le Pakistan - sa priorité. Après l'attaque contre son Parlement le 13 décembre et celle de sa base le 14 mai, New Delhi ne pourrait que recevoir l'aval, sinon le soutien, des Etats-Unis engagés dans une telle croisade. Sauf que tout comme l'Inde, le Pakistan a lui aussi des cartes à jouer, notamment celle de sa position stratégique vis-à-vis de l'Afghanistan. Sans oublier que les deux frères ennemis ont un autre point commun, l'arme nucléaire, menace qu'ils brandissent à chaque bouffée de tension. Comme c'est le cas depuis un demi-siècle, l'Inde a annoncé dimanche un renforcement de ses troupes le long de la frontière entre les « deux Cachemire ». Des échanges de tirs auraient déjà fait 10 morts et 50 blessés civils depuis deux jours. Selon Islamabad, cinq soldats pakistanais ont aussi été tués tandis qu'une nouvelle attaque contre un camp militaire indien entre samedi et dimanche aurait fait cinq morts. Ces duels d'artillerie se poursuivaient encore ce lundi de part et d'autre de la ligne de contrôle, où pas moins d'un million de soldats sont massés. Quelque 12.000 civils indiens ont déjà fui les combats par peur de subir un quatrième conflit ouvert. Les deux pays se sont en effet déjà affrontés par trois fois dans des guerres depuis leur partition en 1947.